Le cocontractant doit pouvoir présenter ses observations avant d'être sanctionné
Publié le :
27/04/2023
27
avril
avr.
04
2023
La personne publique a l'obligation de mettre son cocontractant en mesure de faire valoir ses observations avant de le sanctionner pour défaillance.
Par contrat conclu le 26 février 2016, la régie des eaux du pays bastiais a confié à une société, pour une durée d'un an reconductible deux fois, le traitement des boues produites sur un site de dépollution.
Après exécution de ce marché, la régie a, le 6 mars 2019, émis un titre exécutoire en vue du recouvrement d'une certaine somme correspondant, selon elle, à des frais de transport des boues sur le continent, qui avaient été exposés en raison de manquements de la société à ses obligations contractuelles.
La société a saisi le juge administratif d'une opposition à ce titre exécutoire.
Le tribunal administratif de Bastia, dans un jugement rendu le 1er juillet 2021, a rejeté les demandes de la société.
La cour administrative d'appel de Marseille, dans un arrêt rendu le 20 mars 2023 (n° 21MA03334), annule la décision de première instance.
Les magistrats d'appel rappellent, tout d'abord, que dans le cas où elle compte sanctionner une défaillance de son contractant en faisant supporter à ce dernier les conséquences onéreuses d'un marché de substitution, la personne publique est dans l'obligation de mettre ce dernier en mesure de faire valoir ses observations.
En l'espèce, la régie des eaux n'avait pas mis la société à même de faire valoir ses observations avant de décider de mettre en œuvre des moyens de substitution.
De plus, aucune situation d'urgence ne semblait justifier de faire obstacle à l'accomplissement de cette formation.
En effet, les juges administratifs indiquent que si la régie a produit un courrier en date du 21 septembre 2016 destiné au préfet de la Haute-Corse faisant état de la nécessité de trouver une solution transitoire de manière urgente, cette lettre intervient plusieurs mois après la suspension administrative de l'exploitation du site de Lucciana, intervenue le 19 octobre 2015, et après que la société a, le 12 avril 2016, informé la régie de l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait d'exécuter correctement le marché.
Faute de l'avoir informée préalablement de son intention de recourir aux services du précédent titulaire du marché, les juges d'appel estiment que la régie ne pouvait régulièrement mettre à la charge de la société les surcoûts en résultant.
La cour administrative d'appel de Marseille annule le jugement de première instance.
EXTRAIT DE LA COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE MARSEILLE :
" 1. Par contrat conclu le 26 février 2016, la Régie des eaux du pays bastiais, établissement public local à caractère industriel et commercial, a confié à la société Lombricorse, pour une durée d'un an reconductible deux fois, le traitement des boues produites sur le site de dépollution de Bastia Sud. Après exécution de ce marché, la régie a, le 6 mars 2019, émis un titre exécutoire n° 4 en vue du recouvrement d'une somme de 170 754 euros correspondant, selon elle, à des frais de transport des boues sur le continent, qui avaient été exposés en raison de manquements de la société Lombricorse à ses obligations contractuelles. La société Lombricorse a saisi le tribunal administratif de Bastia d'une opposition à ce titre exécutoire. Par le jugement attaqué, dont la société Lombricorse relève appel, le tribunal administratif a rejeté cette opposition.
2. Dans le cas où elle compte sanctionner une défaillance de son contractant en faisant supporter à ce dernier les conséquences onéreuses d'un marché de substitution, la personne publique est dans l'obligation de mettre ce dernier en mesure de faire valoir ses observations.
3. Il ne résulte pas de l'instruction que la Régie des eaux du pays bastiais aurait mis la société Lombricorse à même de faire valoir ses observations avant de décider de mettre en œuvre des moyens de substitution. Il n'est pas soutenu, et il ne résulte pas de l'instruction que la situation d'urgence était telle qu'elle fît obstacle à l'accomplissement de cette formalité. Notamment, si la régie produit un courrier en date du 21 septembre 2016 du préfet de la Haute-Corse faisant état de la nécessité de trouver une solution transitoire de manière urgente, cette lettre intervient plusieurs mois après la suspension administrative de l'exploitation du site de Lucciana, intervenue le 19 octobre 2015, et après que la société Lombricorse a, le 12 avril 2016, informé la régie de l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait d'exécuter correctement le marché. Faute de l'avoir informée préalablement de son intention de recourir aux services du précédent titulaire du marché, la régie ne pouvait régulièrement mettre à la charge de la société les surcoûts en résultant. "
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