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Comprendre les impacts de la loi PACTE en droit public

Comprendre les impacts de la loi PACTE en droit public

Publié le : 20/06/2019 20 juin juin 06 2019

Dans nos précédents articles nous avons traité des impacts de la loi PACTE en droit des affaires et en droit social.
 
Mais la loi PACTE impacte également différents domaines du droit public, lesquels sont notamment les privatisations de deux entreprises publiques et l’élargissement des prérogatives de la chambre de commerce et d’industrie.



Un projet de loi largement augmenté

Le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises s’inscrivant dans le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises dit PACTE a été déposé sur le bureau de la présidence de l’Assemblée Nationale le 19 juin 2018. Il comportait initialement 71 articles.
 
La loi adoptée en dernière lecture par l’Assemblée Nationale le 11 avril 2019 comporte 221 articles, soit 150 articles supplémentaires ajoutées à la suites des débats parlementaires, notamment au Sénat.
 
 
 
Le feu vert du Conseil Constitutionnel
 
Le Conseil constitutionnel a été saisi les 16, 23, 24 avril 2019 de quatre recours formés par des députés et des sénateurs.
 
Dans sa décision n° 2019-78 DC du 16 mai 2019 Loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, le juge constitutionnel a validé l’essentiel du texte déféré devant lui.
 
Finalement, 24 articles de la loi ont été annulés, dont 15 dispositions pour des questions uniquement de procédure et non de fond.
 
La loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises a été publiée au Journal Officiel du 23 mai 2019.
 
 
 
La Privatisation de l’Aéroport de Paris (ADP)
 
Créé en 1945, l’Aéroport de Paris (groupe ADP) était initialement détenu à 100 % par l’Etat et exploité sous la forme d’un établissement public jusqu’en 2005 puis sous forme de société anonyme (SA).
 
La loi PACTE prévoit la privatisation du Groupe Aéroport de Paris, permettant à l’Etat de ne plus détenir la majorité du capital d’APD (actuellement 50,6% pour un montant évalué à 9,5 Milliard d’euros).
 
Ainsi, l’article 135 de la loi PACTE dispose que :
 
« II. -L'article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques est complété par des V et VI ainsi rédigés :

V.- Le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Aéroports de Paris est autorisé. Ce transfert n'emporte pas de conséquence sur les statuts du personnel.

VI.- Les opérations par lesquelles l'État transfère au secteur privé la majorité du capital de la société Aéroports de Paris sont régies par les dispositions suivantes :

1° Les ministres chargés de l'aviation civile et de l'économie rappellent aux candidats à l'acquisition des actions détenues par l'État les obligations de service public pesant sur la société ;

2° S'agissant de toute opération de cession de capital réalisée en dehors des procédures des marchés financiers, les ministres mentionnés au 1° du présent VI approuvent le cahier des charges portant sur la cession de capital, qui fait l'objet d'un processus concurrentiel. Ce cahier des charges précise, en fonction du niveau de détention du ou des cessionnaires :

a) Les obligations du ou des cessionnaires relatives à la préservation des intérêts essentiels de la Nation en matière de transport aérien, d'attractivité et de développement économique et touristique du pays et de la région d'Ile-de-France, ainsi que de développement des interconnexions de la France avec le reste du monde ;
 
b) En concertation avec les collectivités territoriales sur le territoire desquelles les aérodromes mentionnés à l'article L. 6323-2 du code des transports sont exploités, à l'exception des collectivités territoriales qui seraient candidates à l'acquisition des actions détenues par l'État, les obligations du ou des cessionnaires afin de garantir le développement de ces aérodromes et d'optimiser leurs effets économiques, sociaux et environnementaux ;


c) Si nécessaire, l'expérience pertinente en tant que gestionnaire ou actionnaire d'une société exploitant un ou plusieurs aéroports et la capacité financière suffisante notamment pour garantir la bonne exécution par Aéroports de Paris de l'ensemble de ses obligations, dont celles mentionnées aux a et b du présent 2°, dont disposent les candidats au rachat des actions de l'État. Dans l'hypothèse où l'État cède le contrôle direct ou indirect d'Aéroport de Paris, au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, à un cessionnaire, ces critères d'expérience aéroportuaire et de capacité financière doivent en tout état de cause être exigés de ce cessionnaire. Ces critères sont appréciés dès le stade de l'examen de la recevabilité des offres. Les candidats donnent des garanties sur leur capacité à permettre à la société Aéroports de Paris d'exercer les missions prévues au cahier des charges prévu à l'article L. 6323-4 du code des transports. Cette capacité est appréciée par les ministres mentionnés au 1° du présent VI ;
 
d) Les autres conditions liées à l'acquisition et à la détention des actions, notamment celles relatives à la stabilité de l'actionnariat ;

 
3° Les candidats détaillent dans leurs offres les modalités selon lesquelles ils s'engagent à satisfaire aux obligations mentionnées au 2° du présent VI et précisent les engagements qu'ils souscrivent pour permettre à Aéroports de Paris d'assurer sur le long terme la bonne exécution des obligations de service public, telles que définies par la loi et précisées par le cahier des charges prévu à l'article L. 6323-4 du code des transports. La mise en œuvre de ces engagements fait l'objet d'un suivi par un comité qui se réunit au moins une fois par an et qui comprend des représentants de l'État, des collectivités territoriales mentionnées au b du 2° du présent VI et d'Aéroports de Paris.
 
Les dispositions du II du présent article ne sont pas applicables au transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Aéroports de Paris mentionné au V. »
 
 
 
La privatisation de ADP s’accompagne de plusieurs conséquences :
 
  • La reprise du contrôle des actifs aéroportuaires franciliens par l’État à l’issue d’une durée d’exploitation de 70 ans après la privatisation. Pendant cette période de 70 ans, les actifs seront incessibles sauf autorisation expresse de l’État.
 
  • Un renforcement de la régulation de l’État : L'État disposera pour la première fois par la loi d'un pouvoir d'autorisation sur les investissements, les travaux et les changements de contrôle de la société.
 
  • La poursuite d’une ambition : renforcer la qualité de service et conforter le Groupe ADP comme leader mondial.
 
  • La loi a mis en place l’acquisition facilitée des actions d’Aéroport de Paris pour les collectivités territoriales d’Île-de-France et le département de l’Oise, ils sont donc autorisés à participer au processus de cession.
 
  • La supervision des redevances aéroportuaires est confiée à une autorité administrative indépendante (AAI).
 
 
 
La Privatisation de la Française des jeux.
 
En France, la Française des jeux (FDJ) détient le monopole des jeux de tirage et de grattage.
 
Face à une concurrence devenue multiple et à de profondes mutations sectorielles, la Française des jeux doit continuer d’innover et accéder à toutes les ressources possibles.
 
Par conséquent le gouvernement propose une privatisation de cette société anonyme ainsi qu’une réfonte de son cadre de régulation.
 
L’article 137 de la loi Pacte dispose que :
 
« I. - L'exploitation des jeux de loterie commercialisés en réseau physique de distribution et en ligne ainsi que des jeux de pronostics sportifs commercialisés en réseau physique de distribution est confiée pour une durée limitée à une personne morale unique faisant l'objet d'un contrôle étroit de l'Etat ».
 
Désormais, la régulation des jeux d’argent et de hasard, est renforcée et confiée à une autorité administrative indépendante (AAI), et ne rend plus nécessaire la présence majoritaire de l’État au capital de la FDJ (72 % aujourd’hui).
 
L’autorité indépendante, en charge de la surveillance et de la régulation du secteur offre les meilleures garanties en termes de lutte contre le jeu excessif, le jeu des mineurs, la fraude et le blanchiment d’argent.
 
Le texte maintient également le monopole de la FDJ, en effet, les droits exclusifs confiés par l’État à la FDJ et la régulation qui y est associée sont les garants du respect des impératifs de maintien de l’ordre public et de santé publique, à l’origine même de l’activité de la FDJ. Ils seront réafirmés dans la loi et attribués désormais à la FDJ pour une durée déterminée (maximum 25 ans).
 
A l’issue de la privatisation, l’État restera actionnaire minoritaire de l’entreprise pour continuer de participer à la gouvernance et au contrôle étroit de l'entreprise qui conservera le monopole dont elle dispose actuellement.
 
L’un des objectifs de la loi PACTE est de « donner aux entreprises les moyens d’innover et de grandir ». Dans ce cadre, les privatisations d’Aéroports de Paris et de La Française des jeux sont destinées à alimenter un « fonds pour l’innovation de rupture » de 10 milliards d’euros, qui servira à financer des projets technologiques (intelligence artificielle, nanoélectronique, etc.).
 
Un autre intérêt de la vente est de réduire l’endettement de l’Etat, comme l’a expliqué le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, aux Echos, les cessions doivent faire baisser la dette publique de 0,5 point (alors qu’elle devrait atteindre 98,6 % du produit intérieur brut (PIB) en 2019, selon la loi de finances).
 
 
 

La Réforme de la Chambre De Commerce et de l’industrie.
 
La loi Pacte prévoit également une réforme de la chambre de commerce et de l’industrie (CCI).
 
Ces établissements publics à caractère administratif organisés en réseau contribuent au développement économique des territoires, des entreprises et de leurs associations. Ils exercent également, en faveur des acteurs économiques, des missions de service public.
 
 

 
Une nouvelle organisation du réseau 
 
Les CCI conservent leur autonomie, indépendance et leur statut d’établissement public.
 
Désormais, les CCI locales sont sous l’autorité de CCI France. Quant aux chambres de métiers et de l’artisanat (CMA), elles seront, pour leur part, organisées au niveau régional. Il est aussi prévu que les juges des tribunaux de commerce seront élus par un collège composé des membres des CCI et des CMA, qui pourront mutualiser certaines missions.
 
La réforme donne aux CCI plus de  " souplesse " aux agents, puisque ceux qui sont en poste doivent choisir entre le statut public ou le statut privé, tandis que le personnel qui sera recruté aura ipso facto un statut privé.
 
De plus, la loi vise une simplification des démarches administratives, comme par exemple la création d’un registre unique des entreprises, la suppression de l’obligation du stage de préparation à l’installation.

 

 
Mutualisation des moyens et harmonisation des services
 
La loi PACTE a pour ambition de renforcer l’utilité la qualité des prestations rendues par les CCI, ainsi, la réforme souhaite accroître leur flexibilité, afin de leur permettre de s'adapter à la demande.
 
Cette adaptation implique le développement de prestations nouvelles et de services nouveaux, en cohérence avec l'essor du numérique et les règles de la concurrence, nationales et européennes. Il est question de permettre aux CCI de développer des activités concurrentielles, mais aussi de proposer des services payants individualisés et plus adaptés aux besoins des entreprises.
 
La loi PACTE propose également des outils juridiques nécessaires quant à la transformation et modernisation des CCI, ainsi qu’un élargissement de leurs prérogatives et missions :
 
  • Digitalisation des prestations des CCI afin d’assurer la prise en compte de l’essor du numérique dans leur modèle de fonctionnement.
 
  • Dispositions d’accompagnement social et financier : mise en place d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) nationale pour laquelle le contrat d’objectifs et de performance (COP) donne la perspective d’un financement dédié, transfert de personnel en cas de transfert d’activités, possibilité pour chaque CCI employeur de basculer vers le régime général de l’assurance-chômage, autorisation de sortir d’un syndicat mixte si le maintien de sa participation compromet la situation financière de la CCI.
 
  • Renforcement du « Faire réseau », par le biais notamment d’une tête de réseau CCI France dotée de nouvelles missions : répartition de la ressource fiscale par CCI France, mise en place d’une offre de services nationale, consolidation de la mise en œuvre d’audits du réseau, cosignature par CCI France des conventions d’objectifs et de moyens en région.
 
  • Plus grande coordination avec les autres acteurs de l’accompagnement des entreprises, notamment les collectivités territoriales et les chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) : généralisation des conventionnements entre CCI de région et Conseils régionaux pour la mise en œuvre des SRDEII, possibilité pour les CCI d’agir en tant qu’agences de développement économique des régions et des métropoles, plan quinquennal de mutualisations entre CCI et CMA afin de prendre en compte le nombre élevé de double ressortissants de ces deux réseaux et éviter les doublons de services proposés.
 
  • Généralisation du vote électronique aux élections des CCI et suppression de l’élection des délégués consulaires.
 
  • Maintien d’un accompagnement des entreprises, ante et post création malgré la suppression des Centres de formalités des entreprises (CFE), au plus tard au 1er janvier 2023.
 
 

Patrick Lingibé
SELARL JURISGUYANE
Ancien bâtonnier
Spécialiste en droit public
Médiateur Professionnel
Membre du réseau international d'avocats GESICA
Ambassadeur de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
Membre de l'Association des Juristes en Droit des Outre-Mer (AJDOM)
www.jurisguyane.com

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