Reconnaissance de filiation d'un enfant né d'une personne transgenre
Publié le :
28/09/2020
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Une femme selon l’état civil, père biologique d’un enfant, ne peut être désignée dans l’acte de naissance de ce dernier que comme son "père". Le juge ne peut pas créer la mention de "parent biologique" comme nouvelle catégorie à l’état civil.Mme Y. et M. X. se sont mariés et ont eu deux enfants.M. X. a fait modifié la mention relative à son sexe dans les actes de l’état civil et est désormais inscrit à l’état civil comme étant Mme X., de sexe féminin.Par la suite, Mme Y. a donné naissance à un troisième enfant, conçu avec Mme X., qui avait conservé la fonctionnalité de ses organes sexuels masculins. L’enfant a été déclarée à l’état civil comme née de Mme Y.
Mme X. a demandé la transcription, sur l’acte de naissance de l’enfant, de sa reconnaissance de maternité anténatale (d’être reconnue comme "mère biologique mais non gestatrice"), ce qui lui a été refusé par l’officier de l’état civil.
Dans un arrêt du 14 novembre 2018, la cour d'appel de Montpellier ne fait pas droit à la demande de Mme X., retenant que cette déclaration "aurait pour effet de nier la filiation paternelle tout en brouillant la réalité de la filiation maternelle". Pour les juges du fond, étant donné que le père biologique est devenu une femme, le rapport de filiation de celle-ci ne peut constituer un rapport de filiation paternelle. Toutefois, les juges du fond ont décidé de faire figurer sur l'acte de naissance de l'enfant la mention de "parent biologique". Il s'agit pour eux de concilier l’intérêt supérieur de l’enfant et le droit au respect de la vie privée.
Dans un arrêt du 16 septembre 2020 (pourvois n° 18-50.080 et 19-11.251), la Cour de Cassation valide le raisonnement des juges du fond sur le rapport de filiation mais casse l'arrêt d'appel concernant la mention de "parent biologique".
La Haute juridiction judiciaire précise que, en l’état du droit positif, une personne transgenre homme devenu femme qui, après la modification de la mention de son sexe dans les actes de l’état civil, procrée avec son épouse au moyen de ses gamètes mâles, n’est pas privée du droit de faire reconnaître un lien de filiation biologique avec l’enfant, mais ne peut le faire qu’en ayant recours aux modes d’établissement de la filiation réservés au père.Les dispositions du droit national poursuivent un but légitime, au sens du second paragraphe de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, en ce qu’elles tendent à assurer la sécurité juridique et à prévenir les conflits de filiation.
Elles sont conformes à l’intérêt supérieur de l’enfant, d’une part, en ce qu’elles permettent l’établissement d’un lien de filiation à l’égard de ses deux parents, élément essentiel de son identité et qui correspond à la réalité des conditions de sa conception et de sa naissance, garantissant ainsi son droit à la connaissance de ses origines personnelles, d’autre part, en ce qu’elles confèrent à l’enfant né après la modification de la mention du sexe de son parent à l’état civil la même filiation que celle de ses frère et soeur, nés avant cette modification, évitant ainsi les discriminations au sein de la fratrie, dont tous les membres seront élevés par deux mères, tout en ayant à l’état civil l’indication d’une filiation paternelle à l’égard de leur géniteur, laquelle n’est au demeurant pas révélée aux tiers dans les extraits d’actes de naissance qui leur sont communiqués.Ainsi, en ce qu’elles permettent, par la reconnaissance de paternité, l’établissement d’un lien de filiation conforme à la réalité biologique entre l’enfant et la personne transgenre - homme devenu femme - l’ayant conçu, ces dispositions concilient l’intérêt supérieur de l’enfant et le droit au respect de la vie privée et familiale de cette personne, droit auquel il n’est pas porté une atteinte disproportionnée, au regard du but légitime poursuivi, dès lors qu’en ce qui la concerne, celle-ci n’est pas contrainte par là-même de renoncer à l’identité de genre qui lui a été reconnue.
Par ailleurs, la Cour de cassation estime que la cour d'appel a violé l’article 57 du code civil et l’article 8 de la Convention EDH en ordonnant la transcription de la mention "parent biologique" sur l’acte de naissance de l’enfant.Elle rappelle que la cour d'appel ne peut pas créer une nouvelle catégorie à l’état civil et que, loin d’imposer une telle mention sur l’acte de naissance de l’enfant, le droit au respect de la vie privée et familiale des intéressées y faisait obstacle.
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