QPC : droit de préemption dans les espaces naturels sensibles
Publié le :
27/11/2023
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2023
Le Conseil constitutionnel a jugé non conforme à la Constitution les dispositions législatives relatives à la validation législative de décisions de préemption prises dans les zones créées par les préfets au titre de la législation sur les périmètres sensibles.Le Conseil constitutionnel a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité à la Constitution au paragraphe II de l’article 233 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
En vertu de l’article L. 142-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985, le préfet était chargé de déterminer, à l’intérieur de périmètres sensibles qu’il délimitait, des zones dans lesquelles le département pouvait exercer un droit de préemption en vue de la protection des sites et des paysages. La loi n° 85-729 du 18 juillet 1985, qui a confié au département la compétence en matière de protection des espaces naturels sensibles, a transféré au département la possibilité de créer lui-même des zones dans lesquelles exercer, à ce titre, un droit de préemption.
Afin d’assurer la transition entre ces deux régimes, l’article L. 142-12 du même code prévoyait que le droit de préemption du département pouvait s’exercer dans les zones auparavant déterminées par les préfets.
Or, ces dispositions ont été abrogées à compter du 1er janvier 2016 par l’ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 qui a procédé à la recodification des dispositions du code de l’urbanisme relatives aux espaces naturels sensibles.
Il s’ensuit que, comme l’a relevé le Conseil d’Etat dans son avis n° 439801 du 29 juillet 2020, depuis cette date, le droit de préemption confié aux départements dans le cadre de la mise en œuvre de la politique de protection des espaces naturels sensibles n’est plus applicable dans les zones de préemption qui avaient été créées par les préfets au titre de la législation sur les périmètres sensibles, sauf à ce que le département les ait incluses dans les zones de préemption qu’il a lui-même créées au titre des espaces naturels sensibles.
Les dispositions contestées prévoient que, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les décisions de préemption prises entre le 1er janvier 2016 et l’entrée en vigueur de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 sont validées en tant que leur légalité est ou serait contestée par un moyen tiré de l’abrogation de l’article L. 142-12 du code de l’urbanisme par l’ordonnance du 23 septembre 2015.
Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 22 août 2021 que, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu prévenir les conséquences financières, foncières et environnementales susceptibles de résulter tant de l’annulation par les juridictions administratives des décisions de préemption privées de base légale que de la rétrocession des biens irrégulièrement préemptés.
Toutefois, d’une part, eu égard au faible nombre de décisions de préemption qui, n’étant pas devenues définitives, font ou sont susceptibles de faire l’objet d’un recours, le risque qu’un contentieux important résulte de la contestation de ces décisions n’est pas établi.
D’autre part, en cas de rétrocession du bien irrégulièrement préempté, la personne titulaire du droit de préemption reçoit le versement d’un prix de rétrocession. Par ailleurs, si sa responsabilité est susceptible d’être recherchée, il appartient toutefois à la partie lésée de prouver un préjudice direct et certain. Par suite, l’existence d’un risque financier important pour les personnes publiques concernées n’est pas établie.
En outre, selon la jurisprudence constante du Conseil d’Etat, lorsque le juge administratif se prononce sur les conséquences de l’annulation de la décision de préemption, il lui appartient de s’assurer que le rétablissement de la situation initiale ne porte pas une atteinte excessive à l’intérêt général s’attachant à la préservation et à la mise en valeur de sites remarquables.
Il résulte de tout ce qui précède qu’aucun motif impérieux d’intérêt général ne justifie l’atteinte portée au droit des justiciables de se prévaloir du moyen tiré de l’abrogation des dispositions de l’article L. 142-12 du code de l’urbanisme afin d’obtenir l’annulation de décisions de préemption privées de base légale.
Dès lors, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, le Conseil constitutionnel juge, dans une décision n° 2023-1071 QPC du 24 novembre 2023, que les dispositions contestées doivent être déclarées contraires à la Constitution.Aucun motif ne justifiant de reporter la prise d’effet de la déclaration d’inconstitutionnalité, celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision.Elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date.
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