Les entreprises nouvelles peuvent accéder à la commande publique
Publié le :
17/06/2012
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Le Conseil d’Etat, dans un arrêt rendu le 9 mai 2012, COMMUNE DE SAINT-BENOIT, apporte des précisions intéressantes sur les documents devant prouver les capacités des entreprises nouvelles.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :
Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 24 octobre 2011, la COMMUNE DE SAINT-BENOIT a lancé une procédure d'appel d'offres en vue de l'attribution d'un marché à bons de commande ayant pour objet la fourniture de vêtements de travail et d'équipements de protection individuelle pour ses agents.Quatre sociétés ont présenté des offres, parmi lesquelles la société Penaud Frères et la société Vet'work.
Par courrier en date du 14 décembre 2011, la COMMUNE DE SAINT-BENOIT a informé la société Penaud Frères que son offre n'avait pas été retenue et que le marché avait été attribué à la société Vet'work.
La société Penaud Frères a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative aux fins d’annulation de la procédure de passation de ce marché.
Par ordonnance rendue le 18 janvier 2012, le juge administratif des référés de Poitiers a annulé la procédure de passation du marché litigieux à compter de l’examen des candidatures.
Pour annuler la procédure de passation litigieuse, le juge des référés a considéré que la commune avait méconnu le règlement de la consultation et ses obligations de mise en concurrence en retenant la candidature de la société Vet'work, alors que cette société n'avait pu fournir les déclarations de chiffre d'affaires des trois derniers exercices et les références des prestations similaires exécutées au cours des trois dernières années, qui étaient exigées des candidats par le règlement de la consultation pour justifier de leurs capacités professionnelles, techniques et financières sans que puisse être prise en considération la circonstance qu'elle était de création récente.
La COMMUNE DE SAINT-BENOIT a saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi à l’encontre de cette ordonnance le 3 février 2012, complété le 20 février 2012.
Par décision rendue le 9 mai 2012, le Juge du Palais Royal a annulé l’ordonnance attaquée pour erreur de droit mais a considéré néanmoins que l’annulation se justifiait pour un autre motif tenant à la qualité des informations produites par la société retenue.
DISPOSITION INVOQUEE : Article 45 du Code des Marchés Publics :
« I.-Le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d'évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières ainsi que des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à les engager. Le pouvoir adjudicateur peut également exiger, si l'objet ou les conditions du marché le justifient, des renseignements relatifs à leur habilitation préalable, ou à leur demande d'habilitation préalable, en application des articles R. 2311-1 et suivants du code de la défense relatifs à la protection du secret de la défense nationale.
La liste de ces renseignements et documents est fixée par arrêté du ministre chargé de l'économie.
Lorsque le pouvoir adjudicateur décide de fixer des niveaux minimaux de capacité, il ne peut être exigé des candidats que des niveaux minimaux de capacité liés et proportionnés à l'objet du marché. Les documents, renseignements et les niveaux minimaux de capacité demandés sont précisés dans l'avis d'appel public à concurrence ou, en l'absence d'un tel avis, dans les documents de la consultation.
Une même personne ne peut représenter plus d'un candidat pour un même marché.
II.-Le pouvoir adjudicateur peut demander aux opérateurs économiques qu'ils produisent des certificats de qualité. Ces certificats, délivrés par des organismes indépendants, sont fondés sur les normes européennes.
Pour les marchés qui le justifient, le pouvoir adjudicateur peut exiger la production de certificats, établis par des organismes indépendants, et attestant leur capacité à exécuter le marché.
Pour les marchés de travaux et de services dont l'exécution implique la mise en œuvre de mesures de gestion environnementale, ces certificats sont fondés sur le système communautaire de management environnemental et d'audit (EMAS) ou sur les normes européennes ou internationales de gestion environnementale.
Dans les cas prévus aux trois alinéas précédents, le pouvoir adjudicateur accepte tout moyen de preuve équivalent ainsi que les certificats équivalents d'organismes établis dans d'autres Etats membres.
III.-Pour justifier de ses capacités professionnelles, techniques et financières, le candidat, même s'il s'agit d'un groupement, peut demander que soient également prises en compte les capacités professionnelles, techniques et financières d'autres opérateurs économiques, quelle que soit la nature juridique des liens existant entre ces opérateurs et lui. Dans ce cas, il justifie des capacités de ce ou ces opérateurs économiques et apporte la preuve qu'il en disposera pour l'exécution du marché.
Si le candidat est objectivement dans l'impossibilité de produire, pour justifier de sa capacité financière, l'un des renseignements ou documents prévus par l'arrêté mentionné au I et demandés par le pouvoir adjudicateur, il peut prouver sa capacité par tout autre document considéré comme équivalent par le pouvoir adjudicateur.
IV.-Peuvent également être demandés, le cas échéant, des renseignements sur le respect de l'obligation d'emploi mentionnée aux articles L. 5212-1 à L. 5212-4 du code du travail.
V.-Le pouvoir adjudicateur peut exiger que les candidats joignent une traduction en français, certifiée conforme à l'original par un traducteur assermenté, aux documents rédigés dans une autre langue qu'ils remettent en application du présent article.
EXTRAIT DE L’ARRET :
« Considérant qu'il résulte de ces dispositions que s'il est loisible à l'acheteur public d'exiger la détention, par les candidats à l'attribution d'un marché public, de documents comptables et de références de nature à attester de leurs capacités, il doit néanmoins, lorsque cette exigence a pour effet de restreindre l'accès au marché à des entreprises de création récente, permettre aux candidats qui sont dans l'impossibilité objective de produire les documents et renseignements exigés par le règlement de la consultation, de justifier de leurs capacités financières et de leurs références professionnelles par tout autre moyen ;
Considérant que, pour annuler la procédure de passation litigieuse, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a jugé que la COMMUNE DE SAINT-BENOIT avait méconnu le règlement de la consultation et ses obligations de mise en concurrence en retenant la candidature de la société Vet'work, alors que cette société n'avait pu fournir les déclarations de chiffre d'affaires des trois derniers exercices et les références des prestations similaires exécutées au cours des trois dernières années, qui étaient exigées des candidats par le règlement de la consultation pour justifier de leurs capacités professionnelles, techniques et financières sans que puisse être prise en considération la circonstance qu'elle était de création récente ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant ainsi que la mention, dans le règlement de la consultation, de ces seuls documents et renseignements imposait au pouvoir adjudicateur de rejeter la candidature des entreprises de création récente qui n'avaient pu les fournir, alors qu'il lui incombait, en application des articles 45 et 52 du code des marchés publics, de permettre aux entreprises de création récente de justifier de leurs capacités financières, techniques et références professionnelles par tout autre moyen, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la COMMUNE DE SAINT-BENOIT est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
(…)
Considérant, d'une part, que si le règlement de la consultation, exigeait des candidats la production d'une déclaration concernant le chiffre d'affaires global au cours des trois derniers exercices disponibles et d'une liste des principales fournitures livrées au cours des trois dernières années, il appartenait à la COMMUNE DE SAINT-BENOIT, ainsi qu'il vient d'être dit, de permettre aux entreprises de création récente telle que la société Vet'work de justifier de leurs capacités financières et techniques et de leurs références professionnelles par tout autre moyen ;
Considérant toutefois, d'autre part, que, pour justifier de sa capacité financière, la société Vet'work s'est bornée à produire une " attestation de bonne tenue de compte " rédigée sur papier sans en-tête par son conseiller bancaire et indiquant seulement que les comptes bancaires de la société fonctionnaient normalement, qu'ils n'avaient fait l'objet d'aucun incident de paiement et que la société était à jour de ses engagements contractés auprès de l'établissement bancaire ; qu'une telle attestation ne pouvant suffire à établir la capacité financière de la société Vet'work à exécuter le marché, cette dernière ne pouvait être regardée par la COMMUNE DE SAINT-BENOIT comme ayant justifié de sa capacité financière ; que, par suite, la COMMUNE DE SAINT-BENOIT ne pouvait, sans entacher sa décision d'illégalité et manquer à ses obligations de mise en concurrence, retenir la candidature de la société Vet'work ; que ce manquement est susceptible d'avoir lésé la société Penaud Frères, dont il ne résulte pas de l'instruction que sa candidature était irrégulière pour un motif étranger à ce manquement, dès lors que celui-ci était susceptible de permettre, et a d'ailleurs permis, à la société Vet'work, qui n'aurait pas disposé des garanties financières requises pour exécuter le marché, d'être retenue que, dès lors, la procédure de passation litigieuse doit être annulée à compter de l'examen des offres ; qu'il y a lieu d'enjoindre à la COMMUNE DE SAINT-BENOIT, si elle entend conclure le marché, de la reprendre à ce stade, au regard des motifs de la présente décision ; »
Il convient que les Pouvoirs Adjudicateurs et opérateurs économiques retiennent les enseignements donnés par cet arrêt. En premier lieu, les Pouvoirs Adjudicateurs ne peuvent pas fermer la porte à l’accès aux marchés publics aux entreprises récentes. Les dispositions d’un règlement de consultation ne sauraient donc disqualifier celles-ci qui ne pourraient fournir les chiffres d’affaires des trois derniers exercices comme exigés par ledit règlement. Ainsi donc le Pouvoir Adjucataire doit permettre aux entreprises nouvelles de faire la preuve de leurs capacité par tous moyens. En deuxième lieu, les entreprises nouvelles ne peuvent se contenter de démontrer leurs capacité financière par des attestations générales, comme dans les circonstances de l’espèce. Il est donc impératif pour elles de produire une attestation détaillée et étayée pour que leur candidature soit retenue.
Patrick Lingibé
Membre Associé du Centre de Recherche sur les Pouvoirs Locaux dans la Caraïbe (CRPLC)
Historique
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