Condamnation de l'employeur pour discrimination raciale systémique
Publié le :
08/01/2020
08
janvier
janv.
01
2020
Le conseil de prud’hommes de Paris a condamné une entreprise sous-traitante du BTP pour discrimination raciale systémique envers des travailleurs maliens sans papiers employés sans contrat de travail.
En 2016, un salarié malien chute de plus de deux mètres depuis un échafaudage non sécurisé sur un chantier.Le représentant de l'entreprise sous-traitante refuse d'appeler les secours alors que l’homme gît sans connaissance sur le sol. C'est un salarié qui appelle les pompiers et l’inspection du travail qui, sur les lieux, constatent les conditions de travail déplorables.25 travailleurs maliens, sans papiers, sont employés, sans contrat de travail, comme manoeuvres et affectés à des travaux dangereux de démolition, aux tâches les plus ingrates et les plus dangereuses.Les règles de sécurité ne sont pas respectées, entraînant des accidents du travail.Les obligations de formation ne sont pas plus respectées obligeant les manoeuvres sans papiers à le rester.
L'inspection du travail et le Défenseur des droits ouvrent une enquête.Leur rapport, qui fait 300 pages, détaillent les conditions de travail des 25 Maliens comme "humainement indignes".
Ces 25 salariés portent plainte. Ils reçoivent le soutien de la CGT et du Défenseur des droits.
Dans un jugement du 17 décembre 2019, le conseil de prud’hommes de Paris constate l'existence d'un "système pyramidal d'affectation professionnelle en raison de l'origine" sur le chantier et une "discrimination systémique en raison des origines et de la nationalité".
Il relève que "les dirigeants de la société mise en cause considéraient les travailleurs maliens comme des entités interchangeables et négligeables et les plaçaient ainsi en bas de l'échelle de l'organisation du travail". Il note que "tous les travailleurs maliens étaient des manœuvres assignés aux tâches les plus pénibles du chantier, à savoir les travaux de démolition consistant à casser les murs et les plafonds à la masse, dans des conditions extrêmement dangereuses".Ainsi, les intéressés ne disposaient pas d'un équipement de travail conforme, devant parfois se résoudre à utiliser un matériel de fortune, comme des poubelles, pour effectuer des travaux en hauteur, et sans matériel de protection adéquat. Ils n'ont pas bénéficié des formations obligatoires en lien avec la prévention.Pour le juge, il est clair que "la société a préféré privilégier l'état d'avancement des travaux à la sauvegarde de l'intégrité corporelle et de la vie des salariés, appréhendés comme de simples composants remplaçables".
Le conseil de prud’hommes note que, dans l’entreprise, "les salariés d’origine maghrébine (…) sont les encadrants de proximité qui donnent des directives, s’assurent de la bonne exécution des travaux, du respect des délais et payent les salariés en liquide". Il constate que l'assignation des tâches à un groupe semble se faire "uniquement en fonction de son origine (…) qui lui attribue une compétence supposée, l’empêchant ainsi de pouvoir occuper un autre positionnement au sein de ce système organisé de domination raciste".Le jugement conclut à une "discrimination systémique en termes de rémunération, d’affectation, d’évolution professionnelle" en lien avec leur origine ouest-africaine et leur situation administrative.
Le conseil de prud’hommes de Paris condamne l'employeur à verser à chacun de ces salariés près de 18.000 € de dommages et intérêts pour discrimination, en plus des rappels de salaire et de dommages et intérêts pour rupture abusive et manquement à l'obligation de sécurité et celle de formation.
C'est la première fois que le concept de discrimination "systémique" est pris en compte dans une décision de justice
- Conseil de prud’hommes de Paris, 17 décembre 2019, M. X. et a. c/ MT BAT Immeubles
Historique
-
Pouvoir du juge pour mettre fin à un dommage en cas d'abstention fautive de l'administration
Publié le : 09/01/2020 09 janvier janv. 01 2020Droit publicSi le juge constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet la personne publique en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y...
-
Recevabilité d'un recours d'un agent contre sa mutation d’office
Publié le : 09/01/2020 09 janvier janv. 01 2020Droit publicLe recours d'un agent contre une mutation d’office est recevable si cette décision lui fait grief. C'est le cas si on constate une diminution sensible des responsabilités sur sa...
-
Médicament défectueux pour défaut d'information de risques sur la notice
Publié le : 08/01/2020 08 janvier janv. 01 2020Droit civil (03)L'absence dans la notice d'information sur un risque d’effets indésirables d’une particulière gravité traduit un défaut de sécurité du médicament qui peut engager la responsabil...
-
Limiter la durée des concessions n’est pas contraire au droit de propriété
Publié le : 08/01/2020 08 janvier janv. 01 2020Droit publicEu égard à l'objectif d'intérêt général de limitation du réchauffement climatique, la mesure de limitation de la durée des concessions prévue par l'article L. 111-12 du code min...
-
Non-renvoi de QPC : relations entre l’enfant et l'ex-conjoint
Publié le : 07/01/2020 07 janvier janv. 01 2020Droit civil (03)La Cour de cassation a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité visant l’article 371-4 du code civil. Dans un arrêt du 6...
-
CJUE : Airbnb n'a pas à détenir une carte professionnelle d’agent immobilier
Publié le : 07/01/2020 07 janvier janv. 01 2020Droit civil (03)La France ne peut exiger d’Airbnb qu’elle dispose d’une carte professionnelle d’agent immobilier, faute d’avoir notifié cette exigence à la Commission conformément à la directiv...