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La valeur du SAR face aux autres schémas territoriaux

Publié le : 17/05/2012 17 mai mai 05 2012

La Cour Administrative d'Appel de Bordeaux, dans un arrêt rendu le 29 novembre 2011, société Centrale des Carrières, apporte des précisions intéressantes sur la valeur juridique du schéma d’aménagement régional (SAR) par rapport aux autres schémas territoriaux.
 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :


Par arrêté en date du 10 janvier 2008, le préfet de la région Martinique a délivré à la société Centrale des Carrières une autorisation d’exploitation d’une carrière d’endésite au lieudit habitation Desportes sur la territoire de la commune de Sainte-Luce, commune située au sud de l’île.
Cet arrêté fait l’objet d’un recours par deux requêtes séparées émanant d’une part, des époux I et d’autres requérants et d’autre part, de l’association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais (ASAUPAMAR) devant le tribunal administratif de Fort-de-France.
Par deux jugements rendus respectivement le 16 décembre 2010 et le 30 décembre 2010, le juge administratif foyalais a annulé l’autorisation litigieuse.
Par deux requêtes enregistrées le 14 février 2011 et complétées le 7 mars 2011, la société Centrale des Carrières va interjeter appel des ces deux jugements.
Par un arrêt unique, après jonction des deux instances, la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux a rejeté les requêtes de la société Centrale des Carrières et donc validé le raisonnement du tribunal administratif de Fort-de-France.
 

DISPOSITIONS INVOQUEES:

 

Article L. 4433-7 du Code Général des Collectivités Territoriales :

« Les conseils régionaux de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de Mayotte et de la Réunion adoptent un schéma d'aménagement qui fixe les orientations fondamentales à moyen terme en matière de développement durable, de mise en valeur du territoire et de protection de l'environnement. Ce schéma détermine notamment la destination générale des différentes parties du territoire de la région, l'implantation des grands équipements d'infrastructures et de transport, la localisation préférentielle des extensions urbaines, des activités industrielles, portuaires, artisanales, agricoles, forestières, touristiques et relatives aux énergies renouvelables ainsi que celles relatives aux nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Article L. 4433-8 du Code Général des Collectivités Territoriales :

« Le schéma d'aménagement régional doit respecter :
1° Les règles générales d'aménagement et d'urbanisme à caractère obligatoire prévues par le code de l'urbanisme, en particulier les directives territoriales d'aménagement prévues à l'article L. 111-1-1 de ce code ou, en l'absence de celles-ci, les lois d'aménagement et d'urbanisme prévues au même article, ainsi que celles prévues par les articles L. 111-1, L. 111-2 et  L. 112-1 à L. 112-3 du code rural et de la pêche maritime ;
2° Les servitudes d'utilité publique et les dispositions nécessaires à la mise en œuvre d'opérations d'intérêt national ;
3° La législation en matière de protection des sites et des paysages ainsi qu'en matière de protection des monuments classés ou inscrits.
Le schéma d'aménagement régional prend en compte les programmes de l'Etat et harmonise ceux des collectivités territoriales et de leurs établissements et services publics. Les schémas de cohérence territoriale et, en l'absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme, les cartes communales ou les documents en tenant lieu doivent être compatibles avec le schéma d'aménagement régional. »

EXTRAIT DE L’ARRET :

« Considérant que le schéma régional de la Martinique, approuvé par un décret en Conseil d'Etat du 23 décembre 1998 et modifié par un décret en Conseil d'Etat du 20 octobre 2005, précise, dans son chapitre II consacré aux perspectives de développement et parti d'aménagement , que : Dans le Nord Caraïbe et le Sud Caraïbe, l'exploitation des carrières, seule activité industrielle d'envergure, pose un problème de compatibilité avec le développement touristique souhaité et la préservation des sites. Cependant cette activité demeure capitale pour la Martinique dont les besoins à court terme ne pourront être satisfaits qu'au prix d'extension des carrières d'Anse d'Arlet, Diamant et Saint-Pierre. L'arbitrage rendu est donc le suivant : - développement des carrières du Nord Caraïbe en raison du poids économique et social de cette activité dans la région mais avec une réforme en profondeur du mode de transport des matériaux qui sera progressivement réorienté vers le convoyage maritime. / - Extension des seuls sites existants dans le Sud Caraïbe. ; que la commune de Sainte-Luce est l'une des sept communes relevant de la zone Sud Caraïbe délimitée par ce schéma ;
Considérant que les orientations précitées du schéma d'aménagement régional, qui autorisent l'extension des carrières existantes situées dans la zone Sud-Caraïbe , laquelle représente environ 20 % du territoire de l'île, n'édictent pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, une mesure d'interdiction générale de l'activité d'exploitation de carrières qui serait entachée d'illégalité ;
Considérant que les orientations précitées du schéma d'aménagement régional, qui précisent les raisons pour lesquelles le Nord Caraïbe et le Sud Caraïbe font l'objet d'un traitement différencié en ce qui concerne l'activité d'exploitation de carrières, ne sont pas entachées de contradiction rendant illégales celles relatives à la zone Sud Caraïbe

Considérant que si l'article L. 4433-8 précité du code général des collectivités territoriales dispose que le schéma d'aménagement régional prend en compte les programmes de l'Etat, cette disposition n'a ni pour objet ni pour effet d'imposer à ce schéma d'être rendu conforme au schéma départemental des carrières ou compatible avec lui ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les orientations dont il s'agit sont illégales en raison de leur contradiction avec le schéma départemental des carrières approuvé le 4 décembre 2006 ne peut, en tout état de cause, être accueilli
Considérant que si, en règle générale, les orientations du schéma d'aménagement régional ne sont pas directement opposables à une demande d'autorisation présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, il en va autrement lorsque ces orientations, en raison de leur précision, impliquent que leur respect soit contrôlé par l'administration chargée de se prononcer sur une telle demande et, le cas échéant, par le juge ; que, dans l'hypothèse où le projet faisant l'objet de la demande d'autorisation est incompatible avec ces orientations, l'autorisation ne peut être légalement délivrée, quand bien même le document d'urbanisme applicable dans la commune ne ferait pas obstacle à cette délivrance ;
Considérant que les dispositions précitées du schéma d'aménagement régional de la Martinique ont pour objet, afin de protéger le développement du tourisme et les sites dans les sept communes constituant la zone Sud Caraïbe, de faire obstacle à la création de nouveaux sites d'exploitation de carrières sur le territoire de ces communes ; que l'autorisation accordée à la SOCIETE CENTRALE DES CARRIERES pour l'exploitation du site dit Desportes , qui aboutit à créer une carrière à ciel ouvert portant sur plus de dix hectares pour une production qui peut atteindre 180 000 tonnes par an dans une commune de la zone Sud Caraïbe, est incompatible avec ces dispositions ; que, dans ces conditions, et sans que les dispositions du plan local d'urbanisme puissent être utilement invoquées par la société requérante, l'autorisation litigieuse est entachée d'une illégalité qui entraîne son annulation ;
Pour la Cour Administrative d'Appel de Bordeaux, le SAR n'a pas à être rendu conforme au schéma départemental des carrières ou compatible avec lui. Il convient de rappeler que ce document régional est validé par décret et donc a une portée normative supérieure aux schémas infrarégionaux adoptés y compris par l'Etat, comme en l'espèce. Attention cependant, cette supériorité normative ne produit d'effets et n'est opposable que si les orientations qui y sont mentionnées sont clairement posées. Il y a donc lieu d'être particulièrement vigilant dans le contenu de la rédaction desdites orientations.

Patrick Lingibé 
Membre Associé du Centre de Recherche sur les Pouvoirs Locaux dans la Caraïbe (CRPLC)
 

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