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Comprendre les apports et enjeux majeurs de la loi PACTE en droit social

Comprendre les apports et enjeux majeurs de la loi PACTE en droit social

Publié le : 22/06/2019 22 juin juin 06 2019

Dans notre précédent article nous avons traité des impacts de la loi PACTE en droit des affaires.
 
Mais la loi PACTE prévoit également de nombreuses modifications affectant le droit social dont le présent article fait le point.
 
 
Un projet de loi largement augmenté.
 
Le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises s’inscrivant dans le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises dit PACTE a été déposé sur le bureau de la présidence de l’Assemblée Nationale le 19 juin 2018. Il comportait initialement 71 articles.
 
La loi adoptée en dernière lecture par l’Assemblée Nationale le 11 avril 2019 comporte 221 articles, soit 150 articles supplémentaires ajoutées à la suites des débats parlementaires, notamment au Sénat.
 
 
Le feu vert du Conseil Constitutionnel
 
Le Conseil constitutionnel a été saisi les 16, 23, 24 avril 2019 de quatre recours formés par des députés et des sénateurs.
 
Dans sa décision n° 2019-78 DC du 16 mai 2019 Loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, le juge constitutionnel a validé l’essentiel du texte déféré devant lui.
 
Finalement, 24 articles de la loi ont été annulés, dont 15 dispositions pour des questions uniquement de procédure et non de fond.
 
La loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises a été publiée au Journal Officiel du 23 mai 2019.
 
 
L’objectif de la loi PACTE au niveau du droit social
 
Les objectifs affichés au niveau du droit social dans le plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) sont clairs : donner aux entreprises, notamment les TPE, ETI et PME, les moyens de se transformer, d’innover et de mieux se développer favorisant ainsi la création d’emplois.
 
 
Uniformisation et allégement des obligations liées aux seuils d’effectifs
 
Il existe aujourd’hui 199 seuils d’effectifs pour les entreprises, répartis sur 49 niveaux. Les modes de calcul sont multiples et diffèrent selon le Code de la sécurité sociale, le Code du travail, le Code de commerce ou encore Code général des impôts. Cette complexité est aujourd’hui vu comme un frein à l’évolution des PME française.
 
La loi PACTE propose de regrouper les seuils d’effectifs sur trois paliers : 11, 50 et 250 salariés et plus.
Ainsi, le seuil de 20 salariés sera supprimé pour toutes les mesures sauf l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés. D’autres seuils seront rehaussés au seuil de 50 salariés, tels que la participation de l’employeur à l’effort de construction, le taux plein pour la contribution au Fonds national de l’aide au logement ou encore l’obligation d’avoir un règlement intérieur dans l’entreprise.
 
Les seuils de 10, 25, 100 et 200 salariés seront entièrement supprimés.
 
Les modes de calcul des effectifs seront harmonisés. Le mode de calcul du Code de la sécurité sociale a été choisi car il est plus favorable aux entreprises et plus facilement applicable.
 
La loi PACTE instaure aussi un délai uniformisé de cinq ans pour répondre à toutes les obligations. L’ancien système prévoyait divers délais d’adaptation en fonction des obligations. Désormais, c’est lorsque le seuil sera franchi pendant 5 années consécutives sans discontinuité que l’obligation devra être respectée. Cela permet de protéger les entreprises dont l’effectif fluctue beaucoup et de faciliter l’embauche.
 
Article 11 de la loi PACTE modifie le code de la sécurité sociale en conséquence. La nouvel article L. 130-1 du code de la sécurité sociale dispose en son II :
 
« II. – Le franchissement à la hausse d’un seuil d’effectif salarié est pris en compte lorsque ce seuil a été atteint ou dépassé pendant cinq années civiles consécutives.
 
 Le franchissement à la baisse d’un seuil d’effectif sur une année a pour effet de faire à nouveau courir la règle énoncée à l’alinéa précédent. »
 
Cette réforme devrait entrer en vigueur début 2020. Par exception, les seuils de la réforme du code du travail ne seront pas modifiés. De même, les délais actuels d’adaptation sont maintenus à titre transitoire.
 
 
La facilitation des reprises d’entreprise par les salariés
 
Il existe actuellement un système de crédit d’impôt qui permet aux salariés qui veulent reprendre leur entreprise de déduire leurs charges fiscales lors de la reprise. Cependant, ce système de crédit d’impôt est soumis à deux conditions : la reprise doit être effectuée par au moins 15 personnes ou 30% des salariés, et l’effectif de l’entreprise doit être inférieur à 50 personnes.
 
Ces conditions sont considérées comme étant trop rigoureuses. Pour cause, seulement 63 entreprises ont été bénéficiaires d’un crédit d’impôt dans ce cadre en 2016.
 
La loi PACTE lève l’obligation concernant le nombre de salariés devant détenir des parts dans la nouvelle société. Afin d’éviter les abus en vue d’obtenir le crédit d’impôt, une durée minimale de présence de 18 mois du salarié au sein de l’entreprise sera exigée. Cette durée minimale de présence permet d’éviter des contrats de complaisance d’un repreneur négociant un contrat de travail avec le cédant dans le but de bénéficier du crédit d’impôt.
 
De plus, le dispositif du crédit-vendeur va être réformé. Seules 10% des cessions font l’objet de crédit-vendeur. Le crédit-vendeur permet au repreneur de bénéficier d’un prêt personnel de la part du vendeur afin de financer une partie de la reprise d’une société.
 
La loi PACTE veut démocratiser le crédit-vendeur afin de permettre plus de cessions d’entreprise. Et pour cause, aujourd’hui 48% des patrons de PME de 10 à 250 salariés ont plus de 65 ans. Les conditions d’éligibilité à l’étalement du temps de paiement des impôts et des charges sociales sur les plus-values de cessions d’entreprises seront ainsi élargies. Cela permettra au cédant, qui dans le système actuel, devait payer les impôts et charges juste après la cession, d’étaler le paiement. Là aussi, la mesure sera assortie d’un dispositif anti-abus : le vendeur devra perdre le contrôle de son entreprise.
 
 
La simplification de l’épargne retraite
 
Le système de l’épargne retraite va être modifié pour devenir plus simple. Les produits d’épargne sont aujourd’hui mal compris par les épargnants car soumis à des règles trop complexes.
 
Grâce à la loi PACTE, les règles relatives à l’âge, aux modalités de déblocage de l’épargne, et l’information des droits des épargnants seront simplifiées pour être partagées par 3 produits d’épargne. L’épargne sera également portable d’un produit à l’autre, et le transfert sera gratuit lorsque le produit aura été détenu pendant plus de 5 ans.
 
La fiscalité de l’épargne sera harmonisée : la possibilité de déduire de l’assiette de l’impôt sur le revenu les versements volontaires sera généralisée à l’ensemble des produits de retraite supplémentaire. 
 
La sortie en capital sera elle aussi réformée pour autoriser la récupération des encours constitués à partir de versements volontaires ou issus de l’épargne salariale. Les épargnants choisissant de sortir en rente viagère seront fiscalement avantagés.
 
L’article 71 de la loi PACTE réforme le code monétaire et financier avec un nouvel article L. 224-7 qui prévoit désormais :
 
« Les titulaires bénéficient d'une information régulière sur leurs droits, dans des conditions fixées par voie réglementaire, s'agissant notamment de la valeur des droits en cours de constitution et des modalités de leur transfert vers un autre plan d'épargne retraite.

Les titulaires d'un plan d'épargne retraite bénéficient d'une information détaillée précisant, pour chaque actif du plan, la performance brute de frais, la performance nette de frais et les frais prélevés, dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de l'économie. Cette information, qui mentionne notamment les éventuelles rétrocessions de commission perçues au titre de la gestion financière des plans, est fournie avant l'ouverture du plan puis actualisée annuellement. »
 
 
Le développement de l’épargne salariale
 
Actuellement, seulement 16% des entreprises de moins de 50 salariés sont couvertes par un dispositif d’épargne salariale. Cela peut s’expliquer en partie par le poids du forfait social prélevé sur les sommes versées, coût majeur pour les entreprises. C’est pourquoi la loi PACTE a supprimé ce forfait social depuis le 1er janvier 2019.
 
Le forfait social est supprimé sur :
  • Les sommes versées au titre de l'intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés ;
  • L’ensemble des versements d’épargne salariale pour les entreprises de moins de 50 salariés (intéressement, participation et abondement de l’employeur sur un plan d’épargne salariale).
 
De même, l’intéressement concerne seulement 20 % des salariés des entreprises de 50 à 99 salariés et 35 % des salariés des entreprises de 100 à 249 salariés. Les accords d’intéressement sont perçus comme compliqués à mettre en place. La loi PACTE veut simplifier ces accords d’intéressement en mettant en place des modèles d’accords sur le site du ministère du Travail, des accords-types négociés en fonction des branches et secteurs d’activités, ou encore des plans épargnes interentreprises. Le plan épargne retraite collectif ou PERCO sera facilité : l’obligation de disposer d’un PEE sera supprimée. Des mesures de simplification de l’information concernant les sommes détenues sur les plans d’épargne salariale et leur disponibilité seront mises en place. Enfin, lorsque le chef d’entreprise dispose d’un conjoint lié par un PACS et ayant le statut de conjoint collaborateur ou associé, ce conjoint pourra bénéficier de l’intéressement, de la participation et de l’épargne salariale. 
 
L’article 221 de la loi PACTE institue en son 17° un dispositif de suivi et d’évaluation à ce niveau :
 
« I. - Le Gouvernement adresse au Parlement, tous les six mois jusqu'à la publication de l'ensemble des ordonnances et des mesures réglementaires concernées :
 
(…)
 
III. – Le comité d’évaluation mentionné au II assiste le Parlement dans le suivi de l’application et dans l’évaluation de la présente loi. Dans ce cadre, les trois premiers rapports annuels prévus au même II présentent des volets relatifs à au moins chacune des thématiques suivantes :
 
(…)
 
17° L'impact de l'assouplissement des régimes d'intéressement et de participation ainsi que de la baisse du forfait social sur le déploiement des accords d'épargne salariale et l'effet de ces nouveaux accords d'épargne salariale sur les salariés ».
 
 
L’élargissement de l’actionnariat salarié
 
La loi PACTE vient favoriser l’actionnariat salarié dans les sociétés à capitaux publics et dans les entreprises privées. Il s’agit de permettre aux salariés d’entrer dans le capital de leur société.
 
Le dispositif actuel de proposition d’actionnariat salarié lors des opérations de cessions par l’État est lourd. La loi PACTE vient le réformer pour d’une part, étendre le champ des opérations concernées par l’actionnariat salarié, d’autre part, simplifier la prise en charge des frais liés à l’actionnariat salarié par l’État. Les opérations soumises à obligation d’offre réservée aux salariés seront ainsi étendues aux cessions de participations, par l'État, dans des entreprises non cotées, et de cessions par l'État, dans des entreprises cotées, en gré à gré. Un rabais pris en charge par l’État sera introduit lors d’opérations de privatisation.
 
La complexité de la mise en œuvre de ce processus est reconnue : seules les cessions significatives seront concernées par cette obligation.
 
L’actionnariat salarié devrait aussi être favorisé dans le secteur privé. Le forfait social à régler sur l’abonnement de l’employeur sera abaissé de 20 à 10% dans le cadre de l’actionnariat salarié. L’employeur se verra offrir la possibilité d’abonder unilatéralement un support d’investissement en actionnariat salarié dans un PEE, sans que l’employé doive verser lui aussi une somme. Le système sera réformé dans les SAS : les contraintes d’actionnariat concernant maximum 149 salariés ou minimum 100 000 euros seront levées.
 
Comme pour l’épargne salariale, l’article 221 de la loi PACTE prévoit en son 18° que :
 
« I. - Le Gouvernement adresse au Parlement, tous les six mois jusqu'à la publication de l'ensemble des ordonnances et des mesures réglementaires concernées :
 
(…)
 
III. – Le comité d’évaluation mentionné au II assiste le Parlement dans le suivi de l’application et dans l’évaluation de la présente loi. Dans ce cadre, les trois premiers rapports annuels prévus au même II présentent des volets relatifs à au moins chacune des thématiques suivantes :
 
(…)
 
18° Les effets de l'évolution des dispositifs d'actionnariat salarié sur le partage de la valeur créée par l'entreprise parmi les salariés ainsi que sur l'influence des salariés sur la gouvernance et la stratégie de l'entreprise ».
 
 
Le renforcement de la présence des administrateurs salariés dans les conseils d’administration
 
La loi PACTE a pour ambition de renforcer la présence des administrateurs salariés dans les conseils d’administration.
 
Les administrateurs salariés passeront du nombre de 1 à 2 par conseil d’administration si :
 
  • L’entreprise a plus de 1 000 salariés en France ou 5 000 salariés en France et à l’étranger ;
  • Le conseil compte plus de 8 administrateurs non-salariés.
 
Cette obligation sera étendue aux mutuelles, unions et fédérations avec un nouvel article L. 114-16-2 du code de la mutualité :
 
« II. – Dans les mutuelles, unions et fédérations employant, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins mille salariés permanents, les statuts prévoient que le conseil d’administration comprend, outre les administrateurs prévus à l’article L. 114-16, des représentants des salariés, qui assistent avec voix délibérative aux séances du conseil d’administration. Le nombre de ces représentants est au moins égal à deux. »
 
La présence de plus de salariés au sein des conseils d’administration est en effet à valoriser. Cela permet la diversité des points de vue et peut être une aide dans la prise de décision.
 
 
 
L’égalité hommes-femmes renforcée dans les administrations
 
Il existe aujourd’hui 19,2 % d’écart de salaire moyen entre les hommes et les femmes. Pour réduire cet écart, la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a institué un index Égalité femmes-hommes. Chaque année, un index d’égalité hommes-femmes devra être calculé à partir de plusieurs indicateurs et publié.
 
Cette obligation de publication concerne :
 
  • Les entreprises de plus de 1 000 salariés à partir du 1er mars 2019 ;
  • Les entreprises de plus de 250 salariés à compter du 1er septembre 2019 ;
  • Les entreprises de plus de 50 salariés au 1er mars 2020.
 
La loi PACTE va dans le même sens et prévoit de renforcer la présence des femmes au sein des comités de direction. Pour ce faire, le principe de parité dans la désignation des membres du conseil d’administration ou du directoire devra être respecté. L’article 188 de la loi PACTE modifie le Code de commerce. En effet, le premier alinéa de l'article L. 225-58 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La composition du directoire s'efforce de rechercher une représentation équilibrée des femmes et des hommes ».
 
De plus, les sanctions afin de respecter la parité dans les conseils d’administration seront renforcées.
 
Actuellement, il y a nullité des nominations prises en violation du principe de parité ainsi que suspension du versement des jetons de présence.
 
A n'en point douter, la loi PACTE devrait donc impacter très fortement le droit social dans certains de ses aspects.
 

Patrick Lingibé
SELARL JURISGUYANE
Ancien bâtonnier
Spécialiste en droit public
Médiateur Professionnel
Membre du réseau international d'avocats GESICA
Ambassadeur de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
Membre de l'Association des Juristes en Droit des Outre-Mer (AJDOM)
www.jurisguyane.com
 
 
 

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