Marché public : l'acheteur peut s'écarter de l'avis du jury
Publié le :
26/09/2024
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Dans le cadre d'un marché public, l'acheteur n'est pas tenu de suivre l'avis émis par le jury du concours et il peut porter son choix sur un candidat ayant participé au concours autre que celui classé premier par le jury.
Une communauté d'agglomération a, par un avis d'appel au public à la concurrence, lancé un concours restreint sur avant-projet sommaire en vue de la conclusion d'un marché de maîtrise d'œuvre pour la réhabilitation d'une ancienne caserne militaire. Ce marché a été attribué à un groupement formé par plusieurs sociétés.
Un groupement évincé a saisi le juge administratif en annulation ou, à défaut, de résiliation de ce marché.
La cour administrative d'appel de Lyon a, dans un arrêt rendu le 24 novembre 2022, partiellement fait droit à cette demande.
Le Conseil d'Etat, par un arrêt du 30 juillet 2024 (requête n° 470756), annule l'arrêt d'appel.
En effet, la Haute juridiction administrative indique qu'aux termes de l'article 8 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative et aux marchés publics (alors en vigueur) et de l'article 88 du décret n° 2016-361 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics (alors en vigueur), l'acheteur n'est pas tenu de suivre l'avis émis par le jury du concours et qu'il peut, notamment, porter son choix sur un candidat ayant participé au concours autre que celui classé premier par le jury.
En l'espèce, la cour d'appel avait posé en principe que l'acheteur ne pouvait s'écarter de l'avis du jury qu'à la condition d'être en mesure de justifier que les motifs qu'il privilégie doivent manifestement prévaloir sur le classement établi par le jury.
Elle avait jugé que l'inversion du classement du jury n'était pas manifestement justifiée pour les motifs invoqués par l'autorité adjudicatrice.
Cependant, le Conseil d'Etat indique qu'il ne résulte ni des dispositions précitées ni d'aucun principe général que l'acheteur ne pourrait s'écarter de l'avis du jury qu'à la condition que l'offre qu'il retient soit manifestement meilleure que celle proposée par le jury.
La cour administrative d'appel de Lyon a donc commis une erreur de droit.
Le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt d'appel.
EXTRAIT DE L'ARRET DU CONSEIL D'ETAT :
" 2. Tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la passation d'un contrat administratif est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé ne peut, à l'appui du recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.
3. Aux termes de l'article 8 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 susvisée alors en vigueur, relative aux marchés publics : " Le concours est un mode de sélection par lequel l'acheteur choisit, après mise en concurrence et avis d'un jury, (...) un projet, notamment dans le domaine (...) de l'urbanisme, de l'architecture (...) ". Aux termes de l'article 88 du décret du 25 mars 2016 susvisé alors en vigueur, relatif aux marchés publics : " I. - L'acheteur qui organise un concours défini à l'article 8 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 susvisée publie un avis de concours (...) II. (...) Lorsque le concours est restreint, l'acheteur établit des critères de sélection clairs et non discriminatoires des participants au concours. (...) III. - Le jury (...) examine les candidatures et formule un avis motivé sur celles-ci. Lorsque le concours est restreint, l'acheteur fixe la liste des candidats admis à concourir (...) Le jury examine les (...) projets présentés par les participants au concours de manière anonyme et en se fondant exclusivement sur les critères d'évaluation des projets définis dans l'avis de concours. Il consigne dans un procès-verbal, signé par ses membres, le classement des projets ainsi que ses observations et, le cas échéant, tout point nécessitant des éclaircissements et les questions qu'il envisage en conséquence de poser aux candidats concernés (...) IV. - L'acheteur choisit le ou les lauréats du concours au vu des procès-verbaux et de l'avis du jury (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que l'acheteur n'est pas tenu de suivre l'avis émis par le jury du concours et qu'il peut, notamment, porter son choix sur un candidat ayant participé au concours autre que celui classé premier par le jury.
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que la communauté d'agglomération Valence Romans Agglo avait méconnu les dispositions précédemment citées en retenant l'offre du groupement dont la société Rudy Ricciotti était mandataire, qui avait été classée deuxième par le jury, et en écartant en conséquence celle du groupement de M. B... et autres, qui avait été classée première, la cour administrative d'appel, après avoir posé en principe que l'acheteur ne pouvait s'écarter de l'avis du jury qu'à condition d'être en mesure de justifier que les motifs qu'il privilégie " doivent manifestement prévaloir sur le classement établi " par le jury, a jugé que l'inversion du classement du jury n'était " pas manifestement justifiée pour les motifs invoqués par l'autorité adjudicatrice ". En statuant ainsi, alors qu'il ne résulte ni des dispositions précitées ni d'aucun principe général que l'acheteur ne pourrait s'écarter de l'avis du jury qu'à la condition que l'offre qu'il retient soit manifestement meilleure que celle proposée par le jury, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit. "
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