L’évacuation par le Juge constitutionnel des requêtes folkloriques en contestation des élections législatives des 11 et 18 juin 2017 : de l’usage de l’article 38 de l’ordonnance de 1958

Publié le : 18/08/2017 18 août août 08 2017

Le Conseil constitutionnel a enregistré 296 contestations portant sur les élections législatives des 11 et 18 juin 2017.

Ce chiffre peut paraitre énorme arithmétiquement rapporté au nombre total des 577 circonscriptions électives législatives et doit être nuancé pour deux raisons.

La première, tient à ce que plusieurs requêtes portent sur la même élection contestation, chaque requête donnant lieu à l’ouverture d’une instance contentieuse électorale.

La deuxième est que les trois-quarts des contestations introduites, soit plus de 81 %, relèvent du pur folklore et sont vouées irrémédiablement à une irrecevabilité d’entrée de jeu.

Le Conseil a du donc faire d’une disposition particulière lui permettant d’évacuer rapidement, sans débats, des requêtes jugées non pertinentes. En effet, l’article 38 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose en son alinéa deux que « (…), le Conseil, sans instruction contradictoire préalable, peut rejeter, par décision motivée, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui manifestement ne peuvent avoir une influence sur les résultats de l'élection. La décision est aussitôt notifiée à l'Assemblée intéressée. »

Il faut rappeler que des dispositions similaires existent également devant les juridictions administratives.

Le juge constitutionnel a donc utilisé cet article pour rejeter 241 requêtes, cela sans aucun débat préalable, sans que le candidat et le(s) auteur(s) concernés par la requête introduite ne soient consultés préalablement de ce rejet.

Les 241 décisions d’irrecevabilité ont été rendues aux dates suivantes :

-        1 décision le 7 aout 2017
-        137 décisions du 4 aout 2017
-        46 décisions du 28 juillet 2017
-        57 décisions du 21 juillet 2017

Les motifs retenus par le Conseil constitutionnel pour procéder au rejet des requêtes peuvent être regroupés, globalement, sous les sept rubriques suivantes :

-        1 décision fondée sur le rejet d’une QPC jugée non sérieuse suivant décision du 7 aout 2017
-        1 décision de rejet fondée sur une demande exclusivement basée sur un dédommagement financier suivant du 4 août 2017
-        Plusieurs décisions de rejet fondées sur le fait que les requêtes introduites ne demandaient pas expressément l’annulation des élections contestées
-        Des décisions de rejet fondées sur le fait que les requêtes se limitaient à contester uniquement le premier tour des élections sans en contester le deuxième tour auquel elles avaient pourtant donné lieu
-        Plusieurs décisions de rejet pour des requêtes qui ont été déposées après le délai de recours laissé pour contester les élections législatives concernées
-        Beaucoup de décisions de rejet fondées sur le fait que les éléments factuels d’irrégularité argués par les requérants, même s’ils étaient établis, n’étaient pas de nature à avoir une influence sur le scrutin contesté, eu égard au nombre de voix obtenus par chacun des candidats
-        Plusieurs décisions de rejet fondées sur le fait que les requêtes ne comportaient aucun moyen en fait et en droit soutenant la demande d’annulation introduite.

Il reste donc 55 requêtes à juger sans que ces requêtes préjugent pour autant de la pertinence des moyens qui y sont soulevés et de la réponse qu’apportera le Conseil constitutionnel.

En effet, il convient de rappeler à cet effet que le juge constitutionnel statuant en matière électorale, fait œuvre de pragmatisme à l’instar du juge administratif. Il n’annule en réalité les résultats d’une élection que lorsqu’il est démontré et qu’il considère que les irrégularités soulevées ont été de nature à porter une atteinte substantielle à la sincérité de l’élection contestée. En effet, toutes les irrégularités invoquées dans une requête ne sont pas de nature à elles seules à entraîner de manière systématique l’annulation de l’élection contestée.

Dernière précision, le Conseil constitutionnel ne jugera les requêtes précitées qu’à l’issue du délai laissé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financement politiques CNCCFP)pour saisir ledit Conseil en cas de rejet d’un compte de campagne d’un candidat.

En effet, en dehors de l’aléa contentieux de principe lié à toute contestation d’élection, il convient d’ajouter un autre aléa qui est celui tenant à tout compte de campagne. Celui-ci peut être ainsi rejeté par la CNCCFP parce que le candidat n’a pas respecté les règles impérieuses sur le plan légal, règlementaire et administratif applicables en la matière pour son compte de campagne.

En cas de rejet d’un compte de campagne d’un candidat aux élections législatives, la CNCCFP saisit le Conseil constitutionnel pour les suites, celui-ci pouvant prononcer une peine d’inéligibilité pouvant aller jusqu’à trois ans.

A cet effet, il convient de rappeler les dates impératives ponctuant la suite des élections législatives :

Vendredi 18 août 2017 : date limite impérative de dépôt des comptes de campagne par les candidats auprès de la CNCCFP, en application de l’article L. 52-12 du Code électoral. La Jurisprudence sanctionne le dépôt tardif par l’inéligibilité.

Mercredi 18 octobre 2017 : date limite laissée à la CNCCFP pour se prononcer sur les comptes de campagne des candidats dont l’élection est contestée, en application de l’article L. 118-2 du Code électoral.

Dimanche 18 février 2018 : Date maximale limite laissée à la CNCCFP pour rejeter les comptes de campagne des candidats et saisir le Conseil constitutionnel, conformément aux dispositions combinées des articles L. 52-15 et L.O. 136-1 du Code électoral.

Au final, comme on peut le constater, l’élection définitive d’un député n’est définitivement acquise et sécurisée qu’avec l’adoption de son compte de campagne par la CNCCFP.

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