Démolition d'une construction non conforme aux règles d'urbanisme
Pour la Cour de cassation, l'annulation d'un permis de construire pour insuffisance de l'étude d'impact est susceptible de justifier la démolition de la construction illégale en question.
Par un arrêté du 24 avril 2013, le préfet de l'Hérault a délivré à une société un permis de construire pour édifier sept aérogénérateurs et un poste de distribution sur le territoire d'une commune.
Le 10 juillet 2015, la société a déposé en mairie la déclaration d'ouverture du chantier, datée du 30 juin 2015. Le 26 février 2016, elle a déposé sa déclaration, en date du 23 février précédent, attestant de l'achèvement des travaux et de leur conformité avec le permis de construire.
Le 19 juillet 2016, le préfet de l'Hérault a délivré le certificat de conformité.
Par arrêt du 26 janvier 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le permis en raison de l'insuffisance de l'étude d'impact.
Par décision du 8 novembre 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a rejeté le pourvoi formé contre cette décision.
Le 27 juillet 2018, deux associations de protection de la nature ont assigné la société en démolition du parc éolien et en dommages-intérêts.
La cour d'appel de Montpellier, par un arrêt du 3 juin 2021, rejette les demandes des associations.
La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 11 janvier 2023 (pourvoi n° 21-19.778), casse l'arrêt d'appel.
Tout d'abord, la Haute juridiction judiciaire rappelle qu'en vertu de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique.
Cela n'est possible que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et, sauf si le tribunal est saisi par le représentant de l'Etat dans le département sur le fondement du second alinéa de l'article L. 600-6, si la construction est située dans l'une des zones limitativement énumérées.
La Cour de cassation rappelle également que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Par suite, toute méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique peut servir de fondement à une action en démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire ultérieurement annulé, dès lors que le demandeur à l'action démontre avoir subi un préjudice personnel en lien de causalité directe avec cette violation.
En l'espèce, l'arrêté préfectoral délivrant le permis de construire avait été annulé par une insuffisance de l'étude d'impact relative à la présence d'un couple d'aigles royaux dans le massif de l'Escandorgue.
Les juges d'appel, qui avaient estimé que la construction du parc éolien n'avait pas été édifiée en méconnaissance de règles d'urbanisme ni de servitudes d'utilité publique applicables en l'espèce, véritables règles de fond en matière d'utilisation des espaces et non simples règles de procédure, ont donc violé les textes susvisés.
La Cour de cassation casse l'arrêt d'appel.
Extrait de l'arrêt rendu par la Cour de cassation :
Vu les articles L. 480-13 du code de l'urbanisme et 1240 du code civil :
" 9. Selon le premier de ces textes, lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et, sauf si le tribunal est saisi par le représentant de l'Etat dans le département sur le fondement du second alinéa de l'article L. 600-6, si la construction est située dans l'une des zones limitativement énumérées.
10. Aux termes du second, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
11. Il en résulte que toute méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique peut servir de fondement à une action en démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire ultérieurement annulé, dès lors que le demandeur à l'action démontre avoir subi un préjudice personnel en lien de causalité directe avec cette violation.
12. Pour rejeter les demandes, l'arrêt relève qu'il s'évince de l'arrêt du 26 janvier 2017 de la cour administrative d'appel que l'annulation de l'arrêté préfectoral du 24 avril 2013 était motivée par une insuffisance de l'étude d'impact relative à la présence d'un couple d'aigles royaux dans le massif de l'Escandorgue au moment où le préfet de l'Hérault a pris cet arrêté.
13. Il en déduit que la construction du parc éolien de [Localité 4] n'a pas été édifiée par la société ERL en méconnaissance de règles d'urbanisme ni de servitudes d'utilité publique applicables en l'espèce, véritables règles de fond en matière d'utilisation des espaces et non simples règles de procédure, au sens de l'article L. 480-13, a), du code de l'urbanisme.
14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. "
Rappel des textes visés dans l'arrêt rendu :
Article L. 480-13 du code de l'urbanisme :
" Lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire :
1° Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et, sauf si le tribunal est saisi par le représentant de l'Etat dans le département sur le fondement du second alinéa de l'article L. 600-6, si la construction est située dans l'une des zones suivantes :
a) Les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard mentionnés à l'article L. 122-9 et au 2° de l'article L. 122-26, lorsqu'ils ont été identifiés et délimités par des documents réglementaires relatifs à l'occupation et à l'utilisation des sols ;
b) Les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques mentionnés à l'article L. 146-6, lorsqu'ils ont été identifiés et délimités par des documents réglementaires relatifs à l'occupation et à l'utilisation des sols, sauf s'il s'agit d'une construction en bois antérieure au 1er janvier 2010, d'une superficie inférieure à mille mètres carrés, destinée à une exploitation d'agriculture biologique satisfaisant aux exigences ou conditions mentionnées à l'article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime et bénéficiant d'une appellation d'origine protégée définie à l'article L. 641-10 du même code ;
c) La bande de trois cents mètres des parties naturelles des rives des plans d'eau naturels ou artificiels d'une superficie inférieure à mille hectares mentionnée à l'article L. 122-12 du présent code ;
d) La bande littorale de cent mètres mentionnée aux articles L. 121-16, L. 121-17 et L. 121-19 ;
e) Les cœurs des parcs nationaux délimités en application de l'article L. 331-2 du code de l'environnement ;
f) Les réserves naturelles et les périmètres de protection autour de ces réserves institués en application, respectivement, de l'article L. 332-1 et des articles L. 332-16 à L. 332-18 du même code ;
g) Les sites inscrits ou classés en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 dudit code ;
h) Les sites désignés Natura 2000 en application de l'article L. 414-1 du même code ;
i) Les zones qui figurent dans les plans de prévention des risques technologiques mentionnées au 1° de l'article L. 515-16 dudit code, celles qui figurent dans les plans de prévention des risques naturels prévisibles mentionnés aux 1° et 2° du II de l'article L. 562-1 du même code ainsi que celles qui figurent dans les plans de prévention des risques miniers prévus à l'article L. 174-5 du code minier, lorsque le droit de réaliser des aménagements, des ouvrages ou des constructions nouvelles et d'étendre les constructions existantes y est limité ou supprimé ;
j) Les périmètres des servitudes relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement instituées en application de l'article L. 515-8 du code de l'environnement, lorsque les servitudes instituées dans ces périmètres comportent une limitation ou une suppression du droit d'implanter des constructions ou des ouvrages ;
k) Les périmètres des servitudes sur des terrains pollués, sur l'emprise des sites de stockage de déchets, sur l'emprise d'anciennes carrières ou dans le voisinage d'un site de stockage géologique de dioxyde de carbone instituées en application de l'article L. 515-12 du même code, lorsque les servitudes instituées dans ces périmètres comportent une limitation ou une suppression du droit d'implanter des constructions ou des ouvrages ;
l) Les sites patrimoniaux remarquables créés en application des articles L. 631-1 et L. 631-2 du code du patrimoine ;
m) Les abords des monuments historiques prévus aux articles L. 621-30 et L. 621-31 du même code ;
n) Les secteurs délimités par le plan local d'urbanisme en application des articles L. 151-19 et L. 151-23 du présent code.
L'action en démolition doit être engagée dans le délai de deux ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative ;
2° Le constructeur ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à des dommages et intérêts que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou si son illégalité a été constatée par la juridiction administrative. L'action en responsabilité civile doit être engagée au plus tard deux ans après l'achèvement des travaux.
Lorsque l'achèvement des travaux est intervenu avant la publication de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, la prescription antérieure continue à courir selon son régime. "
Article 1240 du code civil :
" Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. "
Patrick Lingibé
Historique
-
Le cocontractant doit pouvoir présenter ses observations avant d'être sanctionné
Publié le : 27/04/2023 27 avril avr. 04 2023ActualitésDroit publicLa personne publique a l'obligation de mettre son cocontractant en mesure de faire valoir ses observations avant de le sanctionner pour défaillance. Par contrat conclu le 26...Source : www.legalnews.fr
-
Un poteau sur la piste cyclable : défaut d'entretien normal ?
Publié le : 28/02/2023 28 février févr. 02 2023ActualitésDroit publicLe maître d'ouvrage de la piste cyclable ne peut voir sa responsabilité engageée sur le fondement du défaut d'entretien normal à la suite de la chute d'un rolleur en raison de l...Source : www.legalnews.fr
-
Pollution : le capitaine d'un navire peut être responsable du carburant utilisé
Publié le : 27/02/2023 27 février févr. 02 2023ActualitésLe capitaine d'un navire est responsable du carburant utilisé. Il est susceptible d'être pénalement condamné dans le cas de l'utilisation d'un carburant présentant un taux de...Source : www.legalnews.fr
-
Démolition d'une construction non conforme aux règles d'urbanisme
Publié le : 27/02/2023 27 février févr. 02 2023ActualitésPour la Cour de cassation, l'annulation d'un permis de construire pour insuffisance de l'étude d'impact est susceptible de justifier la démolition de la construction illégale en...Source : www.legalnews.fr
-
Querelle autour d'un coussin d'hivernage : absence de lien avec le service
Publié le : 13/01/2023 13 janvier janv. 01 2023ActualitésDroit publicL'agression dont a été victime une fonctionnaire territoriale de la part d'un collègue, qui réside dans un différend d'ordre privé au sujet de la vente d'un boudin d'hivernage p...Source : www.legalnews.fr
-
Peut-on se faire licencier pour avoir gâché le repas de Noël ?
Publié le : 26/12/2022 26 décembre déc. 12 2022ActualitésDroit publicLe licenciement pour motif disciplinaire, sans préavis ni indemnité, du chef-gérant de restauration collective, employé par une commune, qui a commis plusieurs erreurs important...Source : www.legalnews.fr
-
Suppression du port du masque; liberté de déplacement ... : que dit exactement le décret du 13 mai 2022 ?
Publié le : 15/05/2022 15 mai mai 05 2022PublicationsActualitésDroit publicAnnoncé par le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu et par le ministre de la Santé Olivier Véran, un décret n° 2022-807 du 13 mai 2022 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er...
-
Annexe 3 formulaire de l'arrêté du 31 mars 2002 pour l'enregistrement et la diffusion des audiences
Publié le : 04/04/2022 04 avril avr. 04 2022PublicationsActualitésAnnexe 3 formulaire de l'arrêté du 31 mars 2002 pour l'enregistrement et la diffusion des audiences
-
Annexe 2 formulaire de l'arrêté du 31 mars 2002 pour l'enregistrement et la diffusion des audiences
Publié le : 04/04/2022 04 avril avr. 04 2022PublicationsActualitésAnnexe 2 formulaire de l'arrêté du 31 mars 2002 pour l'enregistrement et la diffusion des audiences