Comment définir une offre anormalement basse ?
Publié le :
26/12/2024
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2024
Pour être considérée comme anormalement basse, une offre doit être appréciée au regard de sa globalité et de son caractère économiquement viable.
Une société, agissant en qualité de coordonnateur d'un groupement de commandes a initié une procédure adaptée de publicité et de mise en concurrence en vue de l'attribution d'un accord-cadre.
Une entreprise a postulé à un des lots du marché, mais son offre a été jugée anormalement basse.
Cette entreprise a assigné la société et l'entreprise attributaire du marché devant le juge judiciaire en demandant l'annulation de l'intégralité de la procédure de passation du marché.
Le président du tribunal judiciaire de Paris, par un jugement du 14 juin 2023, a rejeté la demande.
La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 14 novembre 2024 (pourvoi n° 23-17.609), a rejeté le pourvoi.
Tout d'abord, il n'appartient pas au juge du recours précontractuel d'apprécier si l'offre en question, à ce stade de la procédure de passation, apparaît anormalement basse, mais de déterminer si le pouvoir adjudicateur n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans sa décision de rejeter l'offre compte tenu des explications fournies par le candidat.
Le caractère anormalement bas d'une offre ne peut résulter du seul constat d'un écart de prix important entre cette offre et d'autres offres ou entre cette même offre et l'estimation effectuée par l'acheteur, mais que, néanmoins, cet écart est de nature à justifier le déclenchement de la procédure de vérification, qui peut, le cas échéant, conduire au rejet de l'offre si les explications fournies par le candidat ne permettent pas de justifier cet écart.
En l'espèce, l'offre financière remise à l'acheteur témoignait d'un écart de 11,33 % par rapport à la moyenne des offres concurrentes.
L'écart évalué par l'acheteur n'apparaît pas fantaisiste.
De plus, les candidats étaient informés que la comparaison des offres entre elles s'effectuerait sur la base d'une annexe intitulée "devis quantitatif estimatif ".
Ainsi, le caractère anormal de l'offre a bien été apprécié au regard de sa globalité, les offres ayant été comparées entre elles sur le fondement du devis quantitatif estimatif, recensant les besoins spécifiques de l'acheteur.
L'acheteur n'a donc pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant que cette offre n'était pas économiquement viable, de sorte qu'elle risquait de compromettre l'exécution du marché.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi.
EXTRAIT DE L'ARRET RENDU PAR LA COUR DE CASSATION :
" Réponse de la Cour
8. En premier lieu, après avoir rappelé qu'il n'appartient pas au juge du recours précontractuel d'apprécier si l'offre en question, à ce stade de la procédure de passation, apparaît anormalement basse, mais de déterminer si le pouvoir adjudicateur n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans sa décision de rejeter l'offre compte tenu des explications fournies par le candidat, le jugement précise que le caractère anormalement bas d'une offre ne peut résulter du seul constat d'un écart de prix important entre cette offre et d'autres offres ou entre cette même offre et l'estimation effectuée par l'acheteur, mais que, néanmoins, cet écart est de nature à justifier le déclenchement de la procédure de vérification, qui peut, le cas échéant, conduire au rejet de l'offre si les explications fournies par le candidat ne permettent pas de justifier cet écart.
9. Il relève ensuite que l'offre financière remise par la société LySécurité a été chiffrée à 1 143 170 euros, alors que le montant de la moyenne des offres concurrentes ayant donné lieu à un jugement comparatif s'est, selon la société Adoma, élevé à la somme de 1 289 274 euros, soit un écart de 11,33 %, et que, dans la mesure où le montant global de l'offre de l'attributaire s'est élevé, quant à lui, à la somme de 1 325 167 euros, l'écart évalué par l'acheteur n'apparaît pas fantaisiste.
10. Il ajoute que le règlement de consultation précisait que chaque soumissionnaire devait remplir l'annexe n° 2 intitulée « Détail quantitatif estimatif » et qu'il stipulait que « [...] le coût des prestations ponctuelles sera apprécié à partir des bordereaux des prix unitaires. Le devis quantitatif estimatif (soit l'annexe intitulée coûts prévisionnels ) a été établi afin d'apprécier les offres entre elles. ». Il en déduit que les candidats étaient informés par le document de consultation que la comparaison des offres entre elles s'effectuerait sur la base de l'annexe intitulée « Devis quantitatif estimatif ».
11. Le jugement relève que ce document fixe un nombre d'heures pour les ADS confirmés qui correspond au nombre d'heures fixé dans l'annexe 1 renseignée, en connaissance de cause, par les soumissionnaires et qui fait état des besoins spécifiques de l'acheteur, comme cela résulte du règlement de consultation.
12. Il en déduit exactement que le caractère anormal de l'offre a bien été apprécié au regard de sa globalité, les offres ayant été comparées entre elles sur le fondement du devis quantitatif estimatif, recensant les besoins spécifiques de l'acheteur limités aux ADS confirmés.
13. En deuxième lieu, le jugement relève que la société Adoma justifie par la production d'un courriel du GES du 13 mars 2023, adressé cinq jours après la réception des explications de la société LySécurité, que le coût de revient horaire 2023 pour un ADS est compris entre 19,20 et 19,50 euros par heure, ce coût étant exclusivement calculé sur la base d'un horaire de jour. Il retient qu'il résulte de cette estimation que le coût de revient horaire est supérieur au prix proposé par la société LySécurité dans son offre. Il ajoute que cette évaluation doit être analysée à la lumière de la lettre adressé par la société LySécurité le 11 janvier 2023 à la société Adoma, sollicitant une revalorisation des tarifs pratiqués sur les lots 2, 19 et 20 attribués lors de la première passation de marché, et rappelle que cette demande fait état de la signature le 19 septembre 2022, après la date de remise des offres pour le marché de gardiennage, d'un accord de revalorisation des salaires prévoyant une évolution de la grille conventionnelle de 7,5 %, ainsi que des « hausses considérables des coûts de l'énergie » pour solliciter la revalorisation des tarifs appliqués de 7,5 % « correspondant uniquement à l'augmentation conventionnelle et [nous] faisons l'effort financier de supporter l'augmentation des autres coûts ».
14. Après avoir détaillé les éléments transmis dans la réponse de la société LySécurité le 8 mars 2023, le jugement retient qu'il résulte de cette réponse que cette société était parfaitement consciente de l'impact de sa lettre du 11 janvier 2023 sollicitant la revalorisation de ses tarifs, et en déduit qu'il lui appartenait en conséquence, à ce stade de la procédure, de démontrer, au-delà de la simple pétition de principe, que son offre était viable. Il ajoute qu'elle ne peut se retrancher derrière l'absence de demande de précisions par le pouvoir adjudicateur, la question de la société Adoma sur des justificatifs portant sur le prix ou les coûts exposés faisant très clairement référence à la composition des prix proposés.
15. En troisième lieu, après avoir énoncé à bon droit que l'erreur manifeste d'appréciation est examinée par le juge au regard des éléments dont disposait le pouvoir adjudicateur lorsqu'il a rejeté l'offre, le jugement retient exactement que la société LySécurité ne peut se prévaloir d'éléments qu'elle n'a pas communiqués à l'acheteur dans sa réponse du 8 mars 2023 et que, dès lors, le détail du prix de revient d'un agent communiqué par l'expert-comptable dans son attestation du 21 avril 2023 postérieurement au rejet de son offre comme anormalement basse, ne peut établir l'erreur manifeste d'appréciation du pouvoir adjudicateur.
16. En quatrième lieu, après avoir relevé que les pièces justificatives, succinctes, présentées par la société LySécurité dans sa réponse du 8 mars 2023, permettent uniquement de constater que celle-ci s'acquitte de l'ensemble de ses obligations sociales et fiscales, le jugement retient que ces seules justifications générales ne permettaient pas à l'acheteur de comprendre la composition des tarifs proposés, tant en ce qui concerne les charges exposées par la société LySécurité et le prix facturé, au regard notamment de l'accord collectif signé le 19 septembre 2022 et non répercuté sur les tarifs, qu'en ce qui concerne la marge nette dégagée, dont le montant n'était pas précisé par l'expert-comptable.
17. En l'état de ces constatations, énonciations et appréciations, le président du tribunal, qui a exactement retenu que l'acheteur avait procédé à une analyse globale de l'offre de la société LySécurité, et que celle-ci avait été mise en mesure de produire tous les éléments nécessaires à la justification de son offre au regard des circonstances dont elle avait pleinement connaissance, a, à bon droit, retenu que le montant de cette offre ne pouvait être justifié par des éléments qui n'avaient pas été soumis à l'acheteur pour lui permettre d'en apprécier le caractère viable, puis ayant, sans être tenu de suivre la société LySécurité dans le détail de son argumentation, fait ressortir qu'eu égard, d'une part, aux écarts constatés ente les offres, d'autre part, aux caractéristiques financières de celle de la société Lysécurité, dont le coût de revient était supérieur au prix proposé, et, enfin, de la démarche de celle-ci sollicitant, de la société Adoma, juste après le dépôt de cette offre, une revalorisation des tarifs pratiqués à un prix quasiment identique sur les lots précédemment attribués en invoquant la conclusion d'un accord de revalorisation des salaires, a pu en déduire que la société Adoma n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant que cette offre n'était pas économiquement viable, de sorte qu'elle risquait de compromettre l'exécution du marché. "
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