Critères pour indemniser un candidat irrégulièrement évincé
Publié le :
23/09/2012
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2012
La Cour Administrative d’Appel de Lyon, dans un arrêt rendu le 5 janvier 2012, Cabinet Sève, apporte des précisions intéressantes quant aux modalités de calcul de l’indemnité due à une entreprise évincée irrégulièrement d’une procédure de marché public.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :
L’ETAT a conclu avec l’agence Martin, agissant pour le Groupe des Assurances Nationales, un marché portant sur l’assurance du parc automobile de la direction départementale de l’équipement de la Loire.
Le Cabinet Sève, candidat malchanceux, a saisi le tribunal administratif de Lyon aux fins d’annulation du marché litigieux et de la réparation de son préjudice résultant de son éviction irrégulière du marché de service d’assurance à hauteur de 148 005,14 Euros.
Par jugement rendu le 23 septembre 2010, le tribunal administratif lyonnais a annulé le contrat conclu en l’Etat et l’agence Martin et condamné l’Etat à verser au Cabinet Sève la somme de 40 000 Euros en réparation du préjudice que lui a causé son éviction irrégulière.
Par requête, enregistrée le 15 novembre 2010, le Cabinet Sève a interjeté appel de ce jugement devant la Cour Administrative d’Appel de Lyon, seulement en ce qu’il a limité à 40 000 euros le montant de l’indemnité que doit lui verser l’Etat en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière du marché de service d’assurance.
Elle demande à ce titre à la Cour de porter à 148 005,14 Euros, outre les intérêts de droit, le montant de cette indemnité réparatrice.
Par arrêt rendu le 5 janvier 2012, la Cour Administrative d’Appel de Lyon confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu en première instance en estimant que l’indemnisation de 40 000 euros avait été correctement fixée.
Le grand intérêt de cet arrêt est d’indiquer clairement les critères de calcul de l’indemnité réparant le manque à gagner d’une entreprise irrégulièrement écartée d’une procédure annulée.
EXTRAIT DE L’ARRET :
« Considérant que lorsqu’une entreprise candidate à l’attribution d’un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d’abord si l’entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché; que, dans l’affirmative, l’entreprise n’a droit à aucune indemnité; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu’elle a engagés pour présenter son offre; qu’il convient ensuite de rechercher si l’entreprise avait des chances sérieuses d’emporter le marché ; que, dans un tels cas, l’entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu’ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l’offre qui n’ont donc pas à faire l’objet, sauf stipulation contraire du contrat, d’une indemnisation spécifique ;
Considérant qu’il n’est pas contesté que le CABINET SEVE avait une chance sérieuse d’emporter le marché litigieux, ainsi que l’a jugé le Tribunal Administratif de Lyon; que, dans ces conditions, il a droit à l’indemnisation de l’intégralité de son manque à gagner, lequel doit être déterminé en fonction de la marge nette que lui aurait procurée le marché s’il l’avait obtenu; qu’il résulte de l’instruction que le CABINET SEVE, qui agissait comme agent d’assurance de ka MMA, devait percevoir sur l’ensemble de la durée du contrat une commission de 162 500,16 euros; que, pour déterminer le manque à gagner du requérant, il y a lieu toutefois de déduire l’ensemble des charges qu’il aurait dû supporter dans le cadre de l’exécution du contrat, qui incluent nécessairement la part de la masse salariale consacrée à cette dernière, alors même qu’elle n’aurait pas eu d’influence significative sur son activité ; que le CABINET SEVE n’apporte pas d’éléments suffisants pour établir que le Tribunal administratif de Lyon aurait fait une évaluation insuffisante de son manque à gagner en fixant à 40 000 euros le montant de l’indemnité qui lui a été allouée ; »
Le dispositif pour apprécier l’indemnité à allouer est donc décrit dans cet arrêt didactique.
Opération préalable à laquelle le Juge Administratif doit nécessairement se livrer : il doit vérifier tout d’abord si l’entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché annulé.
Si l’entreprise n’avait aucune chance, elle n’a droit en conséquence à aucune indemnité de réparation.
Par contre, si l’entreprise avait une chance de remporter le marché, elle a droit à une indemnité dans le quantum varie en fonction du caractère certain et avéré de sa perte de chance.
► Indemnité due au titre du remboursement des frais engagés pour présenter son offre.
Cette indemnité est en principe due et il appartient à l’entreprise requérante de démontrer les frais avancés à ce titre.► Indemnité due au titre de son manque à gagner.
Elle n’est due que si le Juge constate que l’entreprise évincée avait des chances sérieuses d’emporter le marché. La Cour Administrative d’Appel de Lyon indique sur ce point le droit à une indemnisation intégrale de son manque à gagner, déduction faite de l’ensemble des charges devant être nécessairement supportées dans le cadre de l’exécution du contrat, dont la masse salariale.Cette indemnité visant à réparer l’intégralité du manque à gagner doit être calculée en fonction de la marge nette que lui aurait procurée le marché annulé si le requérant malchanceux l’avait obtenu.
Il convient sur ce point de rappeler des notions financières et comptables sans lesquelles il n’est pas possible de calculer avec pertinence le manque à gagner : la marge brute correspondant au prix de vente HT diminué du prix d’achat HT ; la marge nette résulte précisément de cette marge brute diminuée des frais de vente et des frais généraux.
Il faut donc impérativement qu’une entreprise sollicitant une indemnisation fasse la démonstration pertinente de son manque à gagner.
En l’espèce, le Cabinet Sève n’a pas apporté d’éléments suffisants pour établir que le tribunal administratif lyonnais avait fait une évaluation insuffisante de son manque à gagner en fixant à 40 000 euros le montant de l’indemnité réparatrice.
Patrick Lingibé
Membre Associé du Centre de Recherche sur les Pouvoirs Locaux dans la Caraïbe (CRPLC)
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