Reclassement tardif : l'employeur est potentiellement en tort
Publié le :
27/12/2024
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Le fait de maintenir un salarié déclaré inapte dans une situation d'inactivité forcée peut constituer un manquement de l'employeur.
Un salarié, engagé en qualité de conducteur routier par une société, a été déclaré inapte.
Le médecin du travail a précisé que l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi et il a fait connaître à l'employeur, par courrier, les capacités restantes du salarié.
L'employeur a repris le paiement du salaire trois mois après la déclaration d'inaptitude et a interrogé le salarié pour lui demander s'il accepterait un reclassement à l'étranger.
Le salarié ayant refusé cette proposition, l'employeur a consulté les autres sociétés du groupe pour un éventuel reclassement.
Le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
La cour d'appel de Metz, dans un arrêt rendu le 7 mars 2023, a débouté le salarié de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
La Cour de cassation, par un arrêt du 4 décembre 2024 (pourvoi n° 23-15.337), a cassé l'arrêt d'appel.
En vertu de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
En vertu de l'article L. 1226-11 du même code, lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur doit lui verser, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.
En l'espèce, le salarié avait été maintenu dans une situation d'inactivité forcée au sein de l'entreprise, le contraignant ainsi à saisir la juridiction prud'homale.
Il s'en déduit donc un manquement de l'employeur à ses obligations, dont il appartenait aux juges de fond d'en estimer la gravité, notamment pour apprécier la possibilité ou non de poursuivre le contrat de travail.
La Cour de cassation a cassé l'arrêt d'appel.
EXTRAIT DE L'ARRET DE LA COUR DE CASSATION :
" Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1222-1 et L. 1226-11 du code du travail :
7. Selon le premier de ces textes, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
8. Selon le second, lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.
9. Pour débouter le salarié de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, l'arrêt retient que l'employeur a attendu le 14 octobre 2019 pour demander au médecin du travail des précisions sur l'avis d'inaptitude du 11 juin 2019 dont les termes prêtaient à confusion, qu'il a attendu le 29 novembre 2019 pour consulter les sociétés du groupe auquel il appartenait sur les possibilités de reclassement et n'a entrepris la procédure de licenciement pour inaptitude qu'en mars 2020.
10. L'arrêt ajoute que l'employeur a tardé à engager la procédure de tentative de reclassement puis la procédure de licenciement, mais que l'obligation de reclassement est autonome de celle de reprendre le paiement du salaire et n'est pas enfermée dans un délai, de sorte que cette lenteur ne peut constituer un manquement de la part de l'employeur à ses obligations contractuelles ou légales.
11. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que le salarié avait été maintenu dans une situation d'inactivité forcée au sein de l'entreprise, le contraignant ainsi à saisir la juridiction prud'homale, ce dont elle aurait dû déduire l'existence d'un manquement de l'employeur à ses obligations et qu'il lui appartenait de dire si un tel manquement était d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés. "