Contestation du coût de démolition d'un immeuble menaçant ruine : compétence du tribunal judiciaire

Publié le : 02/09/2024 02 septembre sept. 09 2024

En présence d'une situation d'extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent qui exige la mise en oeuvre immédiate d'une mesure de démolition, le maire ne peut l'ordonner que sur le fondement des pouvoirs de police générale.



La contestation du coût de la démolition qui en résulte est de la compétence du tribunal judiciaire.



Le maire de Beaulieu a, en application d'un arrêté de péril imminent sur le fondement de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, fait procéder à la démolition d'un immeuble et a mis à la charge de sa propriétaire, par deux titres exécutoires du 18 décembre 2015, les frais correspondant.Ces titres ont été annulés par un jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 2 février 2017 devenu définitif.



Le conseil municipal de la commune a mandaté le maire pour remettre ces sommes à la charge de la propriétaire l'immeuble détruit, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, et le maire a émis, le 27 novembre 2018, deux nouveaux titres exécutoires mettant à sa charge les mêmes montants que ceux figurant sur les titres annulés.



Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la nouvelle demande de la propriétaire tendant à l'annulation de cette délibération et des deux titres exécutoires du 27 novembre 2018.



La cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel de la propriétaire formé contre ce jugement.



Dans un arrêt du 4 juillet 2024 (requête n° 464689), le Conseil d’Etat annule l'arrêt d'appel et le jugement en tant qu'ils rejettent les conclusions de Mme A. tendant à l'annulation des titres exécutoires du 27 novembre 2018.



Il relève que l'immeuble était, au moment de sa démolition, à l'état de ruine imposant cette démolition.



Cependant, les précédents titres exécutoires émis le 18 décembre 2015 par le maire ont été annulés par un jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 2 février 2017, devenu définitif, au motif que le maire, en ordonnant la démolition de cet immeuble par un arrêté pris sur le fondement de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, avait méconnu l'étendue des pouvoirs qu'il tient de cet article.



Dans ces conditions, ces travaux de démolition ne pouvaient être réalisés, aux frais de la commune, que sur le fondement des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales et le litige portant sur le remboursement par Mme A. des sommes ainsi exposées par la commune relevait de la compétence du juge judiciaire, que le fondement de la demande de remboursement soit la faute commise par l'intéressée ou son enrichissement sans cause.



En conséquence, en statuant sur les conclusions de Mme A. à fin d'annulation des titres exécutoires du 27 novembre 2018, la cour administrative d'appel a méconnu l'étendue de sa compétence juridictionnelle. Par suite, son arrêt doit être annulé en tant qu'il statue sur ces conclusions.



EXTRAIT DE L'ARRET DU CONSEIL D'ETAT :



" 4. D'une part, il résulte des dispositions du code de la construction et de l'habitation citées au point 2 ci-dessus que si le maire peut ordonner la démolition d'un immeuble menaçant ruine en application des dispositions de l'article L. 511-2 de ce code, après accomplissement des formalités qu'il prévoit et que, à défaut d'exécution, il peut, sur ordonnance du juge statuant en la forme des référés rendue à sa demande, faire procéder à cette démolition par la commune aux frais du propriétaire, en revanche il doit, lorsqu'il agit sur le fondement de l'article L. 511-3 afin de faire cesser un péril imminent, se borner à prescrire les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, également aux frais du propriétaire.



5. D'autre part, en présence d'une situation d'extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent qui exige la mise en œuvre immédiate d'une mesure de démolition, le maire ne peut l'ordonner que sur le fondement des pouvoirs de police générale qu'il tient des dispositions des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales citées au point 3 ci-dessus, en faisant réaliser ces travaux aux frais de la commune. Lorsque la personne publique entend toutefois obtenir le remboursement auprès d'un propriétaire privé des frais qu'elle a exposés à l'occasion de travaux de démolition engagés sur ce fondement en invoquant la responsabilité civile de ce propriétaire, au titre soit d'une faute soit de son enrichissement sans cause, la contestation de la créance invoquée par la personne publique constitue, quel que soit son mode de recouvrement, un litige relevant de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire, en l'absence d'une disposition législative spéciale régissant une telle action civile.



6. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué, non contestées en cassation, que l'immeuble de Mme A... était, au moment de sa démolition, à l'état de ruine imposant cette démolition. Il ressort cependant des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les précédents titres exécutoires émis le 18 décembre 2015 par le maire de Beaulieu ont été annulés par un jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 2 février 2017, devenu définitif, au motif que le maire, en ordonnant la démolition de cet immeuble par un arrêté pris sur le fondement de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, avait méconnu l'étendue des pouvoirs qu'il tient de cet article. Dans ces conditions, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que ces travaux de démolition ne pouvaient être réalisés, aux frais de la commune, que sur le fondement des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales et que le litige portant sur le remboursement par Mme A... des sommes ainsi exposées par la commune relevait de la compétence du juge judiciaire, que le fondement de la demande de remboursement soit la faute commise par l'intéressée ou son enrichissement sans cause. En conséquence, en statuant sur les conclusions de Mme A... à fin d'annulation des titres exécutoires du 27 novembre 2018, la cour administrative d'appel a méconnu l'étendue de sa compétence juridictionnelle. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé en tant qu'il statue sur ces conclusions. "

 

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