Un salarié qui change d'avis est-il de mauvaise foi ?
Publié le :
23/10/2023
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Le licenciement prononcé en raison du contenu d'une attestation délivrée par un salarié dans le cadre d'une instance judiciaire est atteint de nullité, sauf en cas de mauvaise foi de son auteur, laquelle ne peut résulter que de la connaissance qu'il avait de la fausseté des faits relatés.Licenciée pour faute grave, une salariée, manager de magasin, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la nullité de ce licenciement et au paiement de diverses sommes à ce titre.
La cour d'appel de Colmar n'a pas fait droit à sa demande. Les juges du fond ont constaté que la salariée avait établi une attestation pour un collègue ayant fait l'objet d'une procédure de licenciement, en écrivant : "M. Y. n'a commis aucune faute grave pendant son activité en magasin. Les accusations portées contre lui ne sont aucunement justifiées. Il est un vendeur exemplaire apprécié de la clientèle." Or, quelques mois auparavant, la salariée avait adressé à son employeur un rapport dans lequel elle se plaignait du comportement de ce salarié qui travaillait sous sa responsabilité, en lui reprochant de tout faire pour la déstabiliser et la démotiver, de ne pas rester à son poste pour servir les clients, de ne pas s'impliquer dans son travail en refusant de travailler les dimanches avant Noël, de n'avoir aucune conscience professionnelle et de participer à la création d'une ambiance glaciale, sans sourire et sans dialogue. Selon les juges, la salariée ne rapportait pas la preuve qu'elle avait pas rédigé elle-même ce rapport et n'avait fait que le signer dans un contexte de contrainte et de pression de la direction. Ils en ont déduit que le témoignage de la salariée procédait de la mauvaise foi dans la mesure où elle savait que son subordonné avait été licencié pour faute grave motivée, entre autre, par ses actes d'insubordination à son égard et sur la base de son rapport établi seulement une vingtaine de jours auparavant.
La Cour de cassation censure l'arrêt d'appel le 14 juin 2023 (pourvoi n° 22-16.977). La chambre sociale rappelle qu'en raison de l'atteinte qu'il porte à la liberté fondamentale de témoigner, garantie d'une bonne justice, le licenciement prononcé en raison du contenu d'une attestation délivrée par un salarié dans le cadre d'une instance judiciaire, est atteint de nullité, sauf en cas de mauvaise foi de son auteur, laquelle ne peut résulter que de la connaissance qu'il avait de la fausseté des faits relatés.Or, en l'espèce, les juges du fond n'ont pas constaté le bien-fondé des griefs énoncés dans le rapport signé par la salariée. Ils ont statué par des motifs impropres à caractériser la connaissance par la salariée de la fausseté des faits relatés, en méconnaissance de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.