Astreinte ou temps de travail ?
Publié le :
19/12/2022
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Lors de la contestation d'une période d'astreinte, les juges doivent examiner les contraintes qui pèsent sur le salarié, et notamment celles d'une intensité telles qu'elles empêchent celui-ci de vaquer à ses occupations personnelles.Un salarié a été employé à compter du 12 décembre 1988 comme dépanneur par une société qui exerce une activité de dépannage de véhicules à la demande de particuliers, de professionnels et de compagnies d'assurance, et qui assure une permanence pour intervenir sur une portion délimitée d'autoroute. Le 10 décembre 2015, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en résiliation judiciaire du contrat de travail et en paiement de diverses sommes.
La cour d'appel d'Amiens, par un arrêt du 27 janvier 2021, a rejeté les demandes du salarié. Celui-ci avait notamment contesté plusieurs périodes dites "d'astreinte" de 15 jours consécutifs, arguant que celles-ci constituaient en réalité des périodes de temps de travail effectif.
La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 26 octobre 2022 (pourvoi n° 21-14.178), casse l'arrêt d'appel. Aux termes de l'article L. 3121-1 du code du travail, la Cour rappelle que la durée de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. En revanche, constitue une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif. Les magistrats de la Cour de cassation rappellent également que, pour la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) relève de la notion de "temps de travail effectif" l'intégralité des périodes de garde, y compris celles sous régime d'astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d'une nature telle qu'elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts.
En l'espèce, les dépanneurs de la société en question devaient se tenir en permanence ou à proximité immédiate des ou dans les locaux de l'entreprise, en dehors des heures et jours d'ouverture, afin de répondre sans délai à toute demande d'intervention. Les juges d'appel avaient estimé que les périodes litigieuses constituaient des périodes d'astreinte. Or, pour la Cour de cassation, la cour d'appel aurait dû examiner le court délai d'intervention qui était imparti aux salariés pour se rendre sur place après l'appel de l'usager et vérifier si le salarié avait été soumis à des contraintes d'une intensité telle qu'elles avaient affecté sa faculté de gérer librement le temps pendant lequel ses services professionnels n'étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles. La Cour de cassation casse donc l'arrêt sur ce point.