Le tribunal administratif de Guadeloupe valide les restrictions préfectorales imposées aux personnes vaccinées
Publié le :
13/08/2021
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Par une ordonnance en date du 10 aout 2021, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a confirmé le maintien, même pour les personnes vaccinées, des mesures de restriction de déplacement dans le département de la Guadeloupe établies par les arrêtés préfectoraux des 3 et 4 aout 2021.
Par une requête enregistrée le 5 août 2021, M. S, demandait au juge des référés, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative d’ordonner la suspension de l’exécution de l’arrêté du préfet de la Guadeloupe n° 2021-247 du 3 août 2021 portant restrictions aux déplacements dans le département de la Guadeloupe et des articles 2, 3 et 6 de l’arrêté n°2021-248 du 4 août 2021 portant restriction à l’accès aux établissements recevant du public et réglementant les activités et les déplacements en journée dans le département de la Guadeloupe, en tant qu’ils s’appliquent aux personnes vaccinées.
Il soutenait que :
- la condition d’urgence est remplie dès lors que ces mesures entrent en vigueur le 4 août 2021 à 20 heures pour une durée de trois semaines minimum ;
- les dispositions litigieuses sont inadéquates et disproportionnées en tant qu’elles s’appliquent aux personnes vaccinées qui sont moins contagieuses que les personnes non vaccinées et qui ont peu de risque d’être contagieuses ; le port du masque est alors suffisant pour ces personnes ;
- nombreux d’autres départements de l’hexagone n’ont subi aucune restriction de déplacement malgré une situation sanitaire en dégradation ;
- les dispositions litigieuses portent une atteinte manifestement illégale à la liberté d’aller et venir des personnes ayant accompli un schéma vaccinal complet.
Le juge des référés a constaté que la situation sanitaire en Guadeloupe s’était considérablement dégradée, notamment eu égard à la faible fraction de la population vaccinée et par la diffusion de nouveaux variants sur le territoire.
Le juge des référés a ainsi considéré que les mesures portant restriction de déplacement sont justifiées « par la nécessité de freiner rapidement la circulation du virus en limitant les contacts interpersonnels, dans l’attente d’une immunité collective qui seule pourra en limiter significativement la circulation, et ainsi éviter la surcharge hospitalière ».
A été écartée, en l'état, la thèse selon laquelle l’application aux personnes disposant d’un schéma vaccinal complet de ces mesures était inadéquate et disproportionnée :
« s’il est vraisemblable, en l’état, que la vaccination assure une protection efficace des bénéficiaires, même si l’impact des évolutions de l’épidémie dues aux variants demeure incertain, les personnes vaccinées peuvent cependant demeurer porteuses du virus et ainsi contribuer à la diffusion de l’épidémie dans une mesure à ce stade difficile à quantifier, ce qui ne permet donc pas d’affirmer que seule la pratique des gestes barrières limiterait suffisamment ce risque ».
Extraits de l’ordonnance du 10 aout 2021 :
« 3. La situation sanitaire du territoire de la Guadeloupe s’est dégradée, notamment en raison de la diffusion de nouveaux variants, et continue d’exiger des mesures de lutte au regard de la dangerosité de l’épidémie. La pression sur les services de santé, et particulièrement sur les capacités hospitalières, reste forte. Il ressort des pièces, qu’au 9 août 2021, 6 800 cas ont été enregistrés en Guadeloupe, que le taux d’incidence des sept derniers jours glissants a plus que triplé en une semaine, s’élevant à 1 431,5/100 000, que le taux de positivité a plus que doublé et s’élève désormais à 25 % et que le facteur de reproduction du virus s’élève désormais à 2,2. Ce rebond des indicateurs épidémiques s’est alors accompagné d’une hausse des hospitalisations. En conséquence, les hôpitaux et cliniques qui accueillent les patients ayant contractés la covid-19 ont tous activé leur plan Blanc, le palier 5 du plan ORSAN a été enclenché avec 55 lits de réanimations activés, et 8 en cours d’activation, enfin, l’évacuation vers des établissements situés en Ile-de-France des patients actuellement en réanimation non-covid devrait prochainement débuter.
4. Les mesures en cause ont été motivées par la nécessité de freiner rapidement la circulation du virus en limitant les contacts interpersonnels, dans l’attente d’une immunité collective qui seule pourra en limiter significativement la circulation, et ainsi éviter la surcharge hospitalière. Le préfet fait ainsi valoir que seuls 18,72 % de la population guadeloupéenne, tout âge confondu, dispose d’un schéma vaccinal complet alors que l’organisation mondiale de la santé indique qu’une immunité collectivité contre la covid-19 ne pourra être atteinte que lorsqu’au moins 60 à 70 % de la population sera immunisée. Ainsi, si la campagne de vaccination ouverte à l’ensemble de la population âgée de 12 ans et plus, contribue à diminuer la pression sur le système de soins, son effet, comme l’illustre le taux très élevé d’occupation de lits de réanimation par des patients atteints de la Covid-19 n’est pas encore visible sur le territoire.
5. Les données scientifiques disponibles semblent désormais indiquer que les personnes ayant bénéficiées de la vaccination complète sont susceptibles, au terme de la période nécessaire à la pleine efficacité du vaccin, soit en règle générale 15 jours après la dernière injection, d’être porteuses du virus dans des proportions bien moindres que les personnes non vaccinées. M. S en déduit que, à l’égard de ces personnes, les mesures contestées ne sont plus justifiées et demande, en conséquence, au juge des référés agissant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de l’arrêté du préfet de la Guadeloupe n°2021-247 du 3 août 2021 portant restrictions aux déplacements dans le département de la Guadeloupe et des articles 2, 3 et 6 de l’arrêté n°2021-248 du 4 août 2021 du préfet de la Guadeloupe portant restriction à l’accès aux établissements recevant du public et réglementant les activités et les déplacements en N°2100904 4 journée dans le département de la Guadeloupe, en tant qu’ils s’appliquent aux personnes vaccinées.
6. En premier lieu, au regard des éléments indiqués au point 3, de la nature archipélagique du territoire, de ses moyens sanitaires, de la plus grande vulnérabilité affectant la population, tel que l’a relevé le conseil scientifique créé en application de l’article L. 3131- 19 du code de la santé publique dans son avis du 11 mars dernier, la Guadeloupe se trouve dans une situation distincte des territoires hexagonaux justifiant le prononcé de mesures distinctes pour faire face à l’épidémie de covid-19.
7. En second lieu, il ressort de l’ensemble de la procédure que pour efficace que soit la vaccination, qui ne concerne encore qu’une faible fraction de la population guadeloupéenne, elle n’élimine pas complètement la possibilité que les personnes vaccinées demeurent porteuses du virus. Ainsi, au regard de l’accélération de l’épidémie et de la diffusion des variants sur le territoire guadeloupéen, il ne ressort pas des pièces que le seul respect des gestes barrières par les personnes vaccinées suffirait à limiter la circulation du virus de celles d’entre elles qui en seraient porteuses, contribuant dès lors à aggraver le risque pour les personnes les plus vulnérables non encore vaccinées qui demeurent majoritaires. A la date de la présente ordonnance, l’effet de la vaccination en matière de réduction de la circulation du virus n’est atteint, dans certains pays, comme l’a relevé le conseil scientifique précité dans son avis du 11 mars et du 5 août dernier, que par un niveau suffisant de vaccination au sein de l’ensemble de la population.
8. Au regard de l’ensemble de ces éléments, s’il est vraisemblable, en l’état, que la vaccination assure une protection efficace des bénéficiaires, même si l’impact des évolutions de l’épidémie dues aux variants demeure incertain, les personnes vaccinées peuvent cependant demeurer porteuses du virus et ainsi contribuer à la diffusion de l’épidémie dans une mesure à ce stade difficile à quantifier, ce qui ne permet donc pas d’affirmer que seule la pratique des gestes barrières limiterait suffisamment ce risque. En conséquence, l’atteinte à la liberté individuelle résultant des mesures contestées ne peut, en l’état, au regard des objectifs poursuivis, être regardée comme disproportionnée, en tant qu’elles s’appliquent aux personnes vaccinées. Dès lors, M. S n’est pas fondé à soutenir que les dispositions qu’il critique portent une atteinte manifestement illégale aux droits et libertés de nature à justifier que le juge des référés fasse usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. »
Le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe fait application de la position adoptée par le juge des référés du Conseil d’Etat dans son ordonnance rendue le 1er avril 2021 :
« 6. Il ressort de l'ensemble de la procédure que pour efficace que soit la vaccination, qui ne concerne encore qu'une faible fraction des personnes les plus vulnérables, elle n'élimine pas complètement la possibilité que les personnes vaccinées demeurent porteuses du virus. Si une étude américaine produite en délibéré semble indiquer que le nombre en serait faible, elle ne suffit pas à ce stade à démontrer, au regard de l'accélération de l'épidémie, que seul le respect des gestes barrières par les personnes concernées suffirait à limiter suffisamment la participation à la circulation du virus de celles d'entre elles qui en seraient porteuses, contribuant dès lors à aggraver le risque pour les personnes les plus vulnérables non encore vaccinées qui demeurent majoritaires, même si elles sont désormais moins nombreuses dans les services hospitaliers. A la date de la présente ordonnance, l'effet de la vaccination en matière de réduction de la circulation du virus n'est atteint, dans certains pays, comme l'a relevé le conseil scientifique créé en application de l'article L. 3131-19 du code de la santé publique dans son avis du 11 mars, que par un niveau suffisant de vaccination au sein de l'ensemble de la population.
7. Au regard de l'ensemble de ces éléments, s'il est vraisemblable, en l'état, que la vaccination assure une protection efficace des bénéficiaires, même si l'impact des évolutions de l'épidémie dues aux variants demeure incertain, les personnes vaccinées peuvent cependant demeurer porteuses du virus et ainsi contribuer à la diffusion de l'épidémie dans une mesure à ce stade difficile à quantifier, ce qui ne permet donc pas d'affirmer que seule la pratique des gestes barrières limiterait suffisamment ce risque. En conséquence, l'atteinte à la liberté individuelle résultant des mesures de couvre-feu et de confinement ne peut, en l'état, au regard des objectifs poursuivis, être regardée comme disproportionnée, en tant qu'elles s'appliquent aux personnes vaccinées. Dès lors, M. B. n'est pas fondé à soutenir que les dispositions qu'il critique portent une atteinte manifestement illégale aux droits et libertés de nature à justifier que le juge des référés du Conseil d'Etat fasse usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2. Il s'ensuit que les conclusions de sa requête ne peuvent qu'être rejetées, y compris en tant qu'elles tendent à ce que l'Etat verse une somme d'argent à M. B. sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui, dès lors que l'Etat n'est pas la partie perdante, y font obstacle. »
Voir notre commentaire sur cette ordonnance du Conseil d’Etat publiée dans la revue La Gazette du Palais du 4 mai 2021 : Vaccination et liberté d'aller et venir : application du principe de précaution par le Conseil d'État
Patrick Lingibé
Avocat
Historique
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